S'agit-il d'une guerre pour le contrôle des rouages de l'Etat où les alliances qui se font par affinités familiales, régionales ou politiques pèsent dans les cooptations à tous les niveaux ? Autant d'interrogations que la communication officielle laisse nourrir des spéculations sur ce qui se passe au sommet de l'Etat. Hier, c'était au tour d'Abdelhamid Bendaoud dit "Ali", patron de la Sécurité intérieure (ex-direction du contre-espionnage), d'être relevé de ses fonctions. C'est un colonel répondant au prénom d'"Abdelaziz" qui va "assurer la continuité" à la tête de la Direction de la sécurité intérieure. Au moment où le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) compte une vingtaine de généraux encore en service. Ainsi, Bendaoud, numéro 2 du DRS qui venait d'être promu au grade de général-major, rejoint ses collègues de la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP) et de la Garde Républicaine, les généraux-majors Djamel Kehal Medjoub et Moulay Meliani, limogés la veille pour des raisons qui restent obscures. Son limogeage, s'il éclaircit un peu les choses, apporte surtout un démenti aux versions savamment distillées dans les médias par les artisans de ces changements et qui attribuent une présumée panique de la garde rapprochée du président Bouteflika à "des pétards lancés par de jeunes estivants aux alentours de la résidence du président de Sidi Fredj" ou encore à "une rixe entre gardiens". Il y a bel et bien eu un échange de coups de feu là-bas et la Gendarmerie nationale (GN) enquête là-dessus. Beaucoup de riverains ont été déjà entendus par les enquêteurs de la GN. C'est une véritable purge au sein du DRS qui est presque dissous avec le rattachement de la DGSPP et son Groupe d'intervention spécial (GIS) à l'état-major de l'armée. Une seconde restructuration après celle de septembre 2013 rattachant la Direction centrale de la sécurité de l'armée (DCSA) à l'état-major et qui met désormais Mohamed Toufik Mediene sur la sellette. Désormais, il ne donne ni ordre ni ne signe quoi que ce soit concernant la présidence de la République et les personnels de l'armée. Il n'exercera plus aucune influence sur des pans entiers de l'Etat qui, jadis, étaient sous son contrôle direct. Des signes avant-coureurs ? D'abord, un deuxième entretien accordé par le SG du FLN, Amar Saâdani, à un journal arabophone où il informe qu'il aurait transmis au général Toufik les documents relatifs à ses biens en France. Une moquerie qui n'a pas suscité de vagues comme c'était le cas avec l'attaque de 2013, faisant le procès de son action depuis son investiture à la tête du DRS. Mais le propos de Saâdani semble dire aujourd'hui qu'il peut en faire ce qu'il veut... Ensuite, la désignation d'éléments de la DCSA pour enquêter sur les évènements de Ghardaïa. Une mission qui devait, compte tenu des conclusions communiquées par le Premier ministre Abdelmalek Sellal accusant un "pays frère" de tentative de déstabilisation, échoir à l'unité territorialement compétente de la Sécurité intérieure. Une humiliation qui semble dire qu'on ne fait plus confiance aux enquêtes des CTRI (centres techniques de recherche et d'investigation). Mais quel était le catalyseur de cette purge ? Les versions distillées à travers les médias suggèrent des "erreurs" et de "la négligence" dans la sécurité du Président. Des assertions qui, d'ailleurs, ont été contestées énergiquement par la famille du général "Djamel", diffusant hier un communiqué – encore une première dans les annales –, où elle a retracé son parcours du combattant. 48 ans au service des intérêts nationaux à l'intérieur et à l'extérieur du pays, une formation dans des écoles prestigieuses du renseignement et travail dans des postes difficiles à l'étranger, un parcours qui n'a jamais été entaché par la moindre sanction. "Djamel" a-t-il été informé de la démarche de sa famille ? A-t-il approuvé le contenu du communiqué ? Dans ce cas, pourquoi ne l'a-t-il pas signé lui-même ? Ou sa famille a-t-elle agi de la sorte parce qu'il ne serait pas en situation de communiquer avec elle ? S'est-il passé quelque chose de plus grave à la résidence du président de la République ? S'agit-il d'une guerre pour le contrôle des rouages de l'Etat où les alliances qui se font par affinités familiales, régionales ou politiques pèsent dans les cooptations à tous les niveaux ? Autant d'interrogations que la communication officielle laisse nourrir des spéculations sur ce qui se passe au sommet de l'Etat. En ce sens que le mouvement des walis qui se fait d'habitude dans la sérénité, a été marqué par un cafouillage sans précédent. Un mouvement opéré en deux temps parce que certains auraient contesté les postes qu'on leur a attribués. Puis, le limogeage du ministre du Commerce, au demeurant un chef de parti politique et défenseur acharné, au moins en apparence, de la politique du président de la République, trois mois après un important remaniement qui a propulsé une lignée de technocrates aux postes ministériels. Et le colonel Lahbiri qui aurait refusé de quitter son poste de directeur général de la Protection civile avant que son institution ne diffuse un communiqué pour démentir son limogeage... L. H.