Brahim Izri est donc mort. L'artiste, ce petit-fils de Cheikh Belkacem le flûtiste, est parti. Son grand-père, ce cheikh, a été banni de son village de Béni Yenni parce qu'il était musicien. La musique était alors interdite d'écoute en Kabylie. Cheikh Belkacem a pris sa flûte et a marché. Longtemps. Il s'est installé en Arabie saoudite, à proximité de La Mecque. Il s'est choisi un métier : écrivain public. Un jour, en faisant son courrier, il est tombé sur quelqu'un de son village. Un riche ! Après un échange de mots, on lui propose le retour. Le grand-père de Brahim Izri est rentré. Arrivé à Béni Yenni, toujours musicien, toujours plein de mots, il tente d'être artiste. On le marginalise. Il est relégué au bas du village, dans les champs. Il assume. Et il installe sa zaouïa. Après avoir été insulté, on en a fait un prophète. Le petit-fils, Brahim Izri, vient de mourir. Il avait 51 ans, deux enfants, Yenni et le petit ; il a eu Nanou, une artiste dont il s'est séparé mais qu'il continuait à respecter. Il est mort d'un cancer guéri une fois et qui, insidieusement, est revenu. Brahim a trop travaillé sa voix. Il a été musicien avec Idir sur le premier album. Les premiers pas. Ensuite, il s'est pris par le col et il s'est mis seul avec son mandole et un paquet de rêves. À son chevet dernièrement, il y a eu Maxime Leforestier et Bernard Lavilliers. Maxime a enregistré une chanson avec lui écrite par un ancien ministre de De Gaulle. Pour le respect. Pour l'éternité ! Juste avant de partir, Izri a travaillé comme chauffeur de taxi parisien. L'irrespect comme toujours. L'Algérie n'aime pas ses enfants. Brahim avait tenté, à la fin des années 1980, de se réinstaller en Algérie. Après avoir été trahi par des éditeurs parisiens inutiles. Il a tout raté. On lui a tout fait rater. Il nous restera de lui cette voix chaude et cassée. Ce cœur énorme. Et beaucoup de larmes. M. O.