Avant que le chef de l'état n'explicite le sens de sa démarche, les partis politiques l'interprètent à l'aune de leurs intérêts. Les partis politiques, qu'ils soient membres de l'alliance présidentielle ou dans l'opposition, adhèrent majoritairement à l'esprit de la démarche que le président de la République a à peine évoquée dans son discours à la nation du 1er novembre 2004. Les uns et les autres donnent, néanmoins, une interprétation personnalisée au concept et au mode de sa mise en œuvre. Consulté sur la question par des cadres de son parti, Ahmed Ouyahia s'est limité à répondre qu'il faudra laisser au premier magistrat du pays le temps d'expliciter clairement le sens du projet qu'il souhaite initier. Selon une source interne au parti, il s'agira d'abord de savoir à qui profitera le pardon de l'état. Si l'amnistie est élargie, comme le sous-entend l'adjectif “générale” qui lui est adjoint, à toutes les personnes ayant commis un crime, de quelque nature qu'il soit, “son application exigera beaucoup de temps et de moyens”, selon des cadres du rassemblement. “Si elle est circonscrite aux seuls terroristes, elle créera et intensifiera un sentiment de frustration chez ceux qui croyaient devoir en bénéficier. Elle ne respectera pas non plus le principe de réconciliation nationale.” Cette question semble, cependant, relativement tranchée. Le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, interpellé avant-hier à l'APN sur le sujet, a répondu clairement que les personnes incarcérées pour des délits de droit commun ne peuvent nullement prétendre bénéficier de l'amnistie générale. Celles, parmi elles, condamnées définitivement peuvent cependant être touchées par la grâce présidentielle, a précisé le représentant du gouvernement. Le vice-président du MSP, Abdelmajid Menasra, a affirmé sans détour, il y a une semaine, dans une conférence de presse que la dépénalisation totale des crimes commis, telle que sous-entendue par l'esprit de l'amnistie générale, concernerait exclusivement les terroristes ayant, sous une forme ou une autre, fait acte de repentance. “Cette démarche est une solution à la crise sécuritaire”, a fermement soutenu le responsable du parti présidé par Bouguerra Soltani. Plus nuancé, Djelloul Djoudi, secrétaire national chargé de la communication et président du groupe parlementaire du Parti des travailleurs, nous a déclaré, hier, que l'amnistie générale ne doit absolument pas s'appliquer aux auteurs des crimes économiques. Il a précisé, auparavant, qu'il ne conviendra pas de mettre en œuvre cette politique avant l'assainissement des situations politique et sécuritaire. “Il est primordial pour nous de régler définitivement d'abord l'affaire des disparus, de reconnaître tamazight comme langue officielle et nationale, de rétablir totalement la paix”. Pour le député, si ces préalables sont satisfaits, les modalités d'application de l'amnistie générale importeront peu. Pourtant, d'autres députés, de diverses obédiences politiques, estiment que le gouvernement devra présenter au Parlement un projet de loi, en bonne et due forme, sur cet objet. Une loi-cadre qui déterminera les critères et les modalités de mise en œuvre de l'amnistie générale, comme ce fut le cas pour la démarche portant rétablissement de la concorde civile. D'autres sources affirment, toutefois, que le chef de l'état n'aura besoin que de l'aval du peuple, par voie référendaire, pour mener à terme son projet. Il lui suffira, après avoir été conforté par le vote populaire, de consigner dans un décret présidentiel les termes de l'amnistie. Il lui sera surtout loisible de garder secrète la liste des personnes absoutes de leurs crimes. Quoi qu'il en soit, l'amnistie nationale meublera incontestablement le discours politique de l'année qui commence. S. H.