Les élus du peuple ratent, une nouvelle fois, l'opportunité de faire honneur à leur mandat pour n'avoir pas réclamé au gouvernement de soumettre sa nouvelle feuille de route à l'approbation du Parlement. Le gouvernement vient d'instruire ses prolongements au niveau local de sa nouvelle démarche économique articulée autour de "la rationalisation de la dépense", pour reprendre les termes du discours officiel qui n'ose pas le mot qui la traduit le mieux, à savoir l'austérité. Il n'est pas besoin d'être érudit pour le comprendre, cette démarche ne procède pas d'une illumination soudaine. Elle est dictée par et seulement par le reflux notable des recettes financières que génèrent les exportations des hydrocarbures, conséquence de la chute du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux. Mais quand bien même l'effondrement du marché pétrolier le contraindrait ainsi à plus de rigueur et à moins de nonchalance, l'Exécutif aurait gagné à faire approuver sa nouvelle feuille de route par la représentation nationale du peuple, le Parlement, en l'occurrence. De surcroît, la Constitution lui recommande d'y présenter sa déclaration de politique générale annuellement. "Le gouvernement présente annuellement à l'Assemblée populaire nationale une déclaration de politique générale. La déclaration de politique générale donne lieu à un débat sur l'action du gouvernement. Ce débat peut s'achever par une résolution. Il peut également donner lieu au dépôt d'une motion de censure par l'Assemblée populaire nationale, conformément aux dispositions des articles 135, 136 et 137 ci-dessous. Le Premier ministre peut demander à l'Assemblée populaire nationale un vote de confiance. Si la motion de confiance n'est pas votée, le Premier ministre présente la démission du gouvernement. Dans ce cas, le président de la République peut, avant l'acceptation de la démission, faire usage des dispositions de l'article 129 ci-dessous. Le gouvernement peut également présenter au Conseil de la nation une déclaration de politique générale", stipule la loi fondamentale dans son article 84. Abdelmalek Sellal, qui a eu à présenter sa déclaration de politique devant le Parlement par deux fois, en septembre 2012 et en juin 2014, ne semble pas animé d'une volonté de le faire, maintenant que des contingences diverses l'ont obligé à des révisions de la copie qu'il a défendue devant les députés il y a un peu plus d'une année. En juin 2014, le Premier ministre avait inscrit la promotion des investissements en bonne place dans son programme d'action. Aujourd'hui, il recommande aux walis de geler tous les programmes non encore engagés, ce qui, il va sans dire, hypothéquera le plan quinquennal 2015-2019. Il faut dire qu'en agissant de la sorte, le Premier ministre sait qu'il ne court aucun risque de se voir interpeller par les députés et les sénateurs, du moins pas par les majorités parlementaires qui ne sont là que pour aider à l'accomplissement des mécanismes institutionnels, enregistrant, pour ne pas dire votant, les projets de loi que l'Exécutif élabore et leur soumet. Cette attitude n'a-t-elle pas valu au Parlement, à la Chambre basse notamment, la désignation peu élogieuse de "chambre d'enregistrement" ? Même au plus fort de la crise du pétrole, qui menace de conséquences lourdes sur l'économie nationale et, corrélativement, sur la vie sociale, les "élus" nationaux du peuple ne se sont pas enthousiasmés à presser le gouvernement à leur soumettre la parade à laquelle il allait se rendre. À leur rentrée prochaine de vacances, ils feront comme si de rien n'était. Ils attendront comme toujours que le gouvernement les occupe par quelques projets de loi à avaliser. Ce n'est pas leur collègue Louisa Hanoune qui dira le contraire, elle qui n'a de cesse de souligner l'inutilité d'un tel Parlement frappé de surcroît d'illégitimité. Ne réclame-t-elle pas, comme de juste, même si ses motivations sont discutables, la dissolution du Parlement ? S. A. I.