Le projet de loi sanitaire est passé une seconde fois au Conseil des ministres en cette fin de mois d'août et tout semble indiquer qu'il sera présenté au Parlement cet automne 2015. Si ce projet finalement aboutissait, est-ce pour autant le début de la fameuse réforme de notre système de santé tant attendu ? Peu probable au vu des faits et des expériences passés qui démontrent la lenteur chronique du système à rédiger des textes juridiques et réglementaires, à son incapacité à les traduire fidèlement sur le terrain ou encore à son impossibilité à pouvoir périodiquement les faire évaluer et corriger. Il est fort à craindre que le bricolage technico-réglementaire reste de mise et que la gestion par l'approximation demeurera la règle de notre politique de santé dans les années avenir. L'unique loi sanitaire de la République algérienne date de 1985, la loi dite 85-05. Elle a succédé à l'ordonnance 1976 portant code de santé publique. À l'époque, pour les optimistes, cela semblait augurer de la mise en place par nos experts et politiques d'un processus de renouvellement juridique et réglementaire périodique, à chaque décennie approximativement, ce qui est conforme aux standards d'un Etat structuré et cohérent. Les choix et les stratégies sanitaires étaient discutables, mais semblaient répondre à une logique. Cependant, de l'avis général, le système battait déjà de l'aile ; et au lieu de revoir sa copie et de se réformer régulièrement, il s'est figé. Depuis, l'unique loi sanitaire promulguée depuis l'indépendance a subi mille et un raccommodages qui ne répondaient plus qu'à une logique : faire perdurer un système sanitaire toujours plus défaillant, cela coûte que coûte, car selon certaines logiques elle est partie intégrante d'un système étatique plus global qu'il fallait absolument préserver. Et c'est ainsi qu'une loi sanitaire d'une République qui était socialiste, sous le régime d'un parti unique et qui comptait à peine un peu plus de 20 millions d'habitants, où le secteur sanitaire était dominé par le secteur public et où l'approvisionnement pharmaceutique était totalement sous le contrôle étatique et surtout à une époque où les maladies transmissibles dominaient encore le paysage sanitaire du pays, perdure encore de nos jours. Pourtant, l'Algérie de 2015 est une tout autre société : la population a doublé. Le système politique et social a mué. Les services se sont libéralisés, et le plus important, une transition épidémiologique conséquente s'est mise en place avec une prédominance des maladies non transmissibles liées au vieillissement de la population : cancer, maladies cardiovasculaires, maladies neurodégénératives, etc. Cette transition épidémiologique induit des prises en charge lourdes et complexes. Le premier maillon de la réponse qu'est le cadre juridique et réglementaire ne suit pas, ou s'il est mis en place ce n'est que partiellement ou tout simplement ignoré selon une logique propre au système qui, lui, contrairement à la réalité sanitaire et sociale du pays, n'a fondamentalement pas changé. La promulgation probable d'une loi sanitaire moderne et ambitieuse très prochainement ne veut pas dire que le système s'y conformera, bien au contraire. D'innombrables expériences l'ont déjà démontré. À titre d'exemple, en 2007, un décret exécutif portant organisation et fonctionnement des établissements publics hospitaliers ou de santé de proximité a été promulgué. Sa bonne mise en place nécessitait la promulgation d'autres textes réglementaires, tel l'arrêté interministériel fixant les critères de classification des établissements de santé. Cela a été fait, mais au bout de 5 ans et après avoir durablement démobilisé l'ensemble des professionnels de santé. En août 2008, une loi est votée au Parlement. Cette loi portait sur la création de l'Agence algérienne du médicament. Sept ans plus tard, sa mise en place n'est pas encore effective. Le non-respect ou la méconnaissance de la hiérarchie des lois et textes réglementaires et bien d'autres exemples peuvent être cités et indiquent clairement que le système est simplement au-dessus des lois et donc par conséquent hors-la-loi. La question qui viendrait alors à l'esprit de certains néophytes : n'avons-nous pas des organes et instances d'évaluation de notre système de santé pour relever toute ces anomalies et incohérences et les rectifier ? Nous les avons, certes, mais ces organes et instances font partie eux aussi du système. N.H.