La marche d'aujourd'hui à Tunis constitue une véritable épreuve pour le gouvernement, soumis à une forte pression, à cause du risque terroriste, d'une part, et à une contestation sociale de plus en plus grandissante, d'autre part. Le mouvement citoyen "Non, nous n'allons pas pardonner" a maintenu sa marche aujourd'hui à Tunis, malgré son interdiction par le ministère de l'Intérieur sous prétexte d'existence d'un risque d'attentats terroristes, a affirmé, hier après-midi, son leader l'avocat Charfeddine Khellil, lors d'un point de presse. "Nous avons décidé de descendre dans la rue et d'assumer nos responsabilités envers les campagnes de répression et d'intimidation dont nous ferons l'objet", a-t-il déclaré, soutenu par au moins cinq formations politiques de l'opposition. La marche d'aujourd'hui a été initiée pour dénoncer le projet de loi sur la réconciliation économique à laquelle a appelé le président tunisien Béji Caïd Essebsi, pour tenter de relancer l'économie du pays, en panne depuis quatre ans. "Nous réclamons le retrait immédiat (du texte). Le président doit protéger la Constitution comme président de tous les Tunisiens. Avec ce projet de loi, il est devenu président d'une élite de corrompus", a-t-il indiqué. "Le projet de loi sur la réconciliation économique dépouille l'Instance de ses prérogatives tout en assurant l'impunité aux auteurs de corruption financière et à ceux qui ont abusé des biens publics", a, pour sa part, dénoncé la présidente de l'Instance vérité dignité, Sihem Ben Sedrine, affirmant que ce texte "détruit le processus de justice transitionnelle", a rapporté la presse locale. Concernant les menaces de sévir des autorités contre les organisateurs des manifestations publiques non autorisées, Charfeddine ne se laisse pas impressionner. "Nous assumons nos responsabilités malgré tout, et nous espérons que l'autorité ne glissera pas vers ce faux choix (de réprimer), dont l'échec a été démontré", a-t-il ajouté, alors que le ministre de l'Intérieur, Najem Gharsali, a affirmé, jeudi soir, que son département allait trouver le moyen de coopérer, tout en appelant les protestataires à reporter leur manifestation. "Quelle que soit la décision à prendre par les partis au sujet du maintien ou du report de la marche envisagée samedi prochain (aujourd'hui, ndlr), le ministère de l'Intérieur se tient prêt à être coopératif", a-t-il déclaré jeudi devant les membres de la Commission parlementaire des droits et des libertés, lors de son audition, a rapporté l'agence de presse officielle TAP. Najem Gharsalli a affirmé que les services de renseignements ont eu vent d'un grand risque d'attentats terroristes à la voiture piégée, visant entre autres les manifestations de rue (rassemblements, marches, etc.), ce qui justifie l'interdiction formelle de la marche d'aujourd'hui. Mais l'opposition et les organisations de défense des droits de l'Homme ont qualifié de fallacieux de tels arguments, estimant que le gouvernement du président Béji Caïd Essebsi est tenté par la répression des libertés pour lesquelles des Tunisiens sont morts lors de la révolution du Jasmin qui a permis la chute de l'ancien régime de Ben Ali fin 2010. Les déclarations de Gharasali concernant la fin de l'état d'urgence, en vigueur depuis le 2 juillet pour 90 jours, n'ont pas réussi à calmer la colère des leaders du mouvement initié par l'avocat Charfeddine Khellil, dans un contexte socioéconomique difficile dans ce pays voisin. D'ailleurs, les enseignants ont décidé, eux aussi, de maintenir leur mouvement de grève, prévu pour les 17 et 18 septembre, ont rapporté les médias locaux, citant Mastouri Gammoudi, le secrétaire général de l'enseignement de base, relevant de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT). Les enseignants devaient tenir un rassemblement devant le siège du ministère de l'Education nationale pour réclamer la satisfaction de leurs revendications salariales et de meilleures conditions de travail. Lyès MenacerArrestation de 14 individus pour terrorisme Les services de sécurité ont procédé à l'arrestation de 14 individus, soupçonnés d'appartenance à un groupe terroriste, a affirmé, hier, le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. "Deux casques militaires, douze cartes des gouvernorats de Tunisie, des carnets (...) et des CD-ROM" ont été retrouvés chez les personnes arrêtées, ainsi que des documents faisant l'apologie du terrorisme et des vidéos, a ajouté le même communiqué. Par ailleurs, la police a mis la main sur deux voitures piégées, a indiqué, hier, un syndicaliste au sein des services de sécurité sur les ondes de la radio locale Jawahara FM.