Ce départ, s'il traduit l'ouverture d'une nouvelle page, ne signifie pas pour autant que le "système" est en train d'opérer sa mue. Elle restera probablement comme l'un des marqueurs du règne controversé d'Abdelaziz Bouteflika : le mythique et mystérieux général Mohamed Mediene, dit Toufik, a été "mis à la retraite", après 25 ans à la tête du puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Il est remplacé à son poste par un de ses fidèles lieutenants, jusqu'ici au poste de conseiller aux affaires de sécurité à la Présidence, Athmane Tartag. "Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a mis fin aux fonctions de chef du Département du renseignement et de la sécurité, exercées par le général de corps d'armée, Mohamed Mediene, admis à la retraite", a indiqué, hier, un communiqué laconique de la présidence de la République. "Conformément aux dispositions des articles 77 (alinéas 1 et 8) et 78 (alinéa 2) de la Constitution, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, président de la République, ministre de la Défense nationale, a mis fin, ce jour, aux fonctions de chef du Département du renseignement et de la sécurité, exercées par le général de corps d'armée, Mohamed Mediene, admis à la retraite", lit-on dans ce texte repris par l'APS, d'ordinaire muette sur ce genre d'information, en témoignent son silence sur l'incarcération du général Hassan ou encore sur les changements opérés récemment et relayés par la presse privée. "Le président de la République a nommé M. Athmane Tartag, chef du Département du renseignement et de la sécurité", ajoute la même source. Sitôt l'information rendue publique, un communiqué du MDN annonce l'installation par le chef d'état-major de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, du nouveau patron des services de renseignement. Ce départ, dans l'air depuis un certain temps, intervient au lendemain de la sortie d'Ahmed Ouyahia, et qui visiblement était destinée, a posteriori, à préparer l'opinion sur ce changement à venir. "Les changements et les mutations sont naturels" au sein de la défense, "il n'y a aucun conflit au sommet de l'Etat. Il y a un seul Président qui dirige et qui dispose de tous ses pouvoirs" et "le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, chef suprême des Forces armées et ministre de la Défense nationale, n'est pas Néron qui a brûlé Rome, ni un opposant pour casser le système de sécurité algérien", affirmait Ouyahia. Officiellement, il s'agit donc d'une mise à la retraite d'un homme âgé aujourd'hui de 76 ans qui a régné pendant un quart de siècle sur la structure la plus redoutée du pays, entourée de mystère, et que certains n'hésitent pas à qualifier de "plus grand parti politique algérien". Mais ce départ constitue, à tout point de vue, le point d'orgue d'un long processus de restructurations au sein des services de renseignement entamé depuis le retour du président de la République de l'hôpital du Val-de-Grâce en juillet 2013, mais surtout quelques mois après l'opération de Tiguentourine dont la gestion a été assurée par Athmane Tartag. D'aucuns considéraient alors que l'onde de choc provoquée par Tiguentourine, et qui a écorné l'image des services présentés pourtant comme les plus efficaces dans la région de l'Afrique du Nord dans la lutte contre le terrorisme, allait conduire à d'inévitables restructurations. Après tous ces changements qui s'apparentaient à une espèce d'effeuillage, il était entendu que le tour de Toufik allait venir. "Il ne lui reste que son secrétaire particulier et deux femmes de ménages", affirmait, il y a quelques jours, une source anonyme à TSA. Mais la question aujourd'hui est de savoir à quoi obéissent ces changements. Nouvelle stratégie des services dictée par de nouveaux défis sécuritaires ? Sanctions ? Opération de rajeunissement ? Lutte de clans en perspective de la succession à Bouteflika ? Si le départ de Toufik traduit assurément l'ouverture d'une nouvelle page, il ne signifie pas nécessairement que l'Algérie inaugure une nouvelle ère politique pour asseoir la démocratie et la transparence. Mais il est annonciateur de chamboulements au sein du système. K.K.