Convaincue de l'urgence de recourir à la promulgation d'une nouvelle loi sur les TIC, la responsable du secteur a admis de nombreux dysfonctionnements, y compris pour Algérie Poste. Elle plaide pour un travail de fond tout en s'intéressant en priorité à offrir de l'Internet pour tous. C'est un constat assez inquiétant qu'Houda-Iman Feraoun, ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, a dressé, hier, lors de son passage au Forum de Liberté. La plus jeune ministre du gouvernement Sellal ne semble pas avoir peur des mots pour décrire "un secteur en souffrance" et aller jusqu'à avouer le recours à des "mesures de bricolage" pour colmater les brèches et remédier à une situation devenue presque ingérable. Il est clair qu'il y a urgence à remettre de l'ordre dans ce grand bazar qui exige de la ministre de l'audace et du soutien pour livrer bataille sur plusieurs fronts à la fois, notamment lorsqu'il s'agira de relancer le projet de loi sur les TIC, enterrée avec la venue de Derdouri à la tête du secteur. Consciente, semble-t-il, des enjeux que représente un tel projet, la nouvelle ministre opte pour la prudence et choisit la voie de la consultation la plus large possible pour ne pas avoir à subir la contestation. Elle ne le dira pas en ces termes, mais avance tout simplement "la nécessité de remplacer une loi devenue obsolète". Or, il se trouve qu'il est question de revoir ce texte depuis 2010 sans que l'on y parvienne. L'actuelle ministre reconnaît que "cela va prendre du temps encore". Elle atteste : "S'il y a beaucoup de dysfonctionnements, c'est parce que la loi sur les TIC est dépassée. On s'est rendu compte au bout de 15 ans qu'elle présente de nombreuses défaillances." Serait-il judicieux alors, comme le préconisent des spécialistes dans le domaine, de retourner au texte fondamental de 1999, duquel a émané la loi actuelle pour régler des questions urgentes ? Houda-Iman Feraoun soutient à ce propos : "Nous essayons de voir aujourd'hui quelles sont les dispositions contenues dans la loi qui n'ont pas été mises en œuvre pour y remédier, mais ça reste des solutions de bricolage en attendant l'avènement de la nouvelle loi." Elle martèle : "On a voulu développer des applications et mettre en œuvre la e-Algérie, le e-commerce, la e-éducation, la e-gouvernance avant de déployer l'infrastructure et régler tous les problèmes liés à la connexion internet sur le territoire national. Cela a créé une sorte d'anarchie. Nous enregistrons de nombreuses revendications, que je juge légitimes, de la part du consommateur qui réclame une connexion et un bon débit de la 3G avec une couverture du réseau partout. C'est d'ailleurs la mission qui lui est confiée en priorité." La 4G fixe (LTE) : "La pénurie de modems est due à un problème de gestion" "L'opérateur historique a profité de beaucoup d'investissements, notamment pour déployer la fibre optique. Le souci réside dans l'immensité du territoire algérien. Il y a aussi le rythme des changements technologiques qui va trop vite et qu'AT n'arrive pas à suivre", commence par dire la ministre pour justifier la défaillance d'Algérie Télécom. "Aujourd'hui, nous avons recours à la technologie Msan qui devra résoudre le problème, notamment des régions mal connectées, tout autant que le problème des pannes et coupures récurrentes d'internet. Mais ça reste une solution d'appoint parce que ça répondra au besoin d'un citoyen déjà connecté en améliorant la qualité des prestations. Et pour réussir à connecter tous les ménages algériens, et nous n'en sommes qu'à 2 millions et demi, il faudra adopter de nouvelles solutions qui interviendront à travers la nouvelle loi", a-t-elle assuré. Sur un autre chapitre, la ministre a reconnu qu'"il existe une pénurie de modems 4G fixe" en indiquant que "c'est dû à un problème de gestion". Elle explique : "Aujourd'hui, ils sont disponibles, et j'espère qu'ils seront fournis. Il y a aussi autre chose pour laquelle ni le ministère ni la direction d'AT ne sont responsables. Cela concerne les dépassements qui me sont signalés par les citoyens et c'est en rapport avec la conscience de tout un chacun, et ça revient à la gestion locale. Il faut rappeler qu'AT est représentée par 22 000 travailleurs derrière lesquels le ministère ou le DG ne peuvent être tous les jours, et suggérant d'être honnête et de donner le modem à qui de droit. Je m'excuse donc pour ces dépassements, et la meilleure façon d'en finir est de mieux organiser les choses surtout qu'il existe une quantité de modems acquise récemment par AT qui devra répondre à la demande." Il n'est pas interdit à AT de travailler avec le privé, mais ce n'est pas instauré par la loi. "Je ne demanderai pas à AT d'ouvrir sa boucle locale si nous n'avons aucun texte qui gère la relation future qu'elle aura avec les autres opérateurs ou que le client aura avec l'opérateur alternatif." À la question de savoir si le fait d'être contre le monopole d'AT, d'assurer qu'il n'est pas question d'ouverture de son capital et de préconiser en même temps l'ouverture de la boucle locale ne constituait pas, quelque part, une contradiction, la ministre répondra par la négative, expliquant : "Le dégroupage de la boucle locale est une opération technique par laquelle AT permet à un autre opérateur d'utiliser une partie de son infrastructure pour fournir l'accès internet aux citoyens. L'ouverture du capital, quant à elle, est une action économique. Le fait de dire qu'il n'est pas question d'ouverture de capital, c'est parce que cela relève de la souveraineté de l'Etat sur son réseau de téléphonie et d'internet fixe." Téléphonie mobile : "Un quatrième opérateur n'est pas possible pour le moment et ne fera pas baisser les prix" L'itinérance figure parmi les projets que la ministre compte introduire via la nouvelle loi. Elle dira à ce propos : "Nous voudrons arriver à instaurer de par la loi l'obligation aux opérateurs d'opter à chaque fois que possible pour l'itinérance et autant que nécessaire pour l'utilisateur. Cela permettra d'optimiser le réseau et les zones qui ne sont pas couvertes et d'aller, dans un avenir proche, vers l'itinérance globale en recourant aux meilleurs moyens techniques et réglementaires." Concernant le cahier des charges inhérent à la 3G et le déploiement de cette technologie par Djezzy, Mobilis et Ooredoo, la ministre a révélé qu'"aucune défaillance émanant des opérateurs n'a été enregistrée jusque-là, notamment par rapport au calendrier de déploiement". Et de poursuivre : "Compte tenu des demandes des citoyens et de celles de Djezzy et d'Ooredoo pour accélérer le déploiement dans les villes qui ne sont pas couvertes, nous avons introduit une demande auprès de l'ARPT et nous avons déjà un accord de principe en attendant l'aval pour modifier le cahier des charges et remédier à tout cela." Elle tranchera la question de recourir à un quatrième opérateur, et d'argumenter : "Je ne suis pas contre l'introduction d'un quatrième opérateur sauf que pour le moment, cela ne se justifie pas et ça ne fera pas du tout baisser les prix." La ministre a assuré, par ailleurs, qu'"il n'existait, désormais, aucun facteur qui entraverait le développement des call centers" et plaide pour leur développement, soutenant que "les TIC ne sont pas une connexion internet pour aller visiter des sites web étrangers". Pour ce qui du parc technologique de Sidi Abdellah, la ministre a reconnu que "les résultats sont plutôt maigres par rapport aux efforts et l'investissement", estimant que "la stratégie mise en place n'était pas bonne", et a avancé "la mise en place d'un nouveau plan où les priorités de l'Etat algérien en matière des TIC seront examinées avec précaution". La bancarisation permettra à Algérie Poste de réaliser son autonomie En soutenant que "la gestion du courrier doit être revue", la ministre a suggéré que "la bancarisation est la solution indiquée qui permettra à l'entreprise de réaliser son autonomie, et à travers laquelle, les travailleurs pourraient avoir de meilleurs salaires". La ministre a admis, à l'occasion, que "les employés d'AP sont sous-payés", tout en déplorant que "dans l'état actuel de l'entreprise, il n'est pas possible de revoir les salaires sous peine de faire faillite". Elle fera remarquer : "Algérie Poste gagnerait à profiter des subventions de l'Etat pour se réorganiser, introduire de nouveaux services électroniques et se diversifier pour renflouer ses caisses." La ministre a déclaré que "rien n'empêche d'aller vers la banque postale et que c'est une question de temps qui pourrait prendre jusqu'à deux années". N.S.