La saisine du Conseil national économique et social par le Premier ministre, sur la crise et les voies pour en sortir, a été traitée, ce 20 septembre 2015, par un Panel d'experts indépendants sous le titre "Du défi de la résilience à l'exigence de l'émergence de l'économie nationale". Un tel titre a été retenu par le CNES pour bien marquer le champ temporel et thématique de la saisine : le court terme pour consolider un cadre macro-financier fragilisé par un choc externe durable et violent et le long terme pour faire émerger une économie diversifiée et robuste. Ce qui implique forcément qu'il ne s'agit pas de se contenter d'un traitement symptomatique et conjoncturel de la crise mais de s'inscrire résolument dans une démarche stratégique de changement de paradigme. D'autant que de l'avis largement partagé du Panel il ne faut pas espérer un rebond pétrolier ni pouvoir mettre des quantités supplémentaires significatives d'hydrocarbures sur les marchés extérieurs. Pour résumer on est rentré, depuis juin 2014, dans une crise à cycle long. Au final, que peut-on retenir de cet exercice difficile et complexe ? D'abord en termes de casting, ce Panel a réuni les experts et universitaires algériens les plus éminents du pays et de la diaspora ayant des sensibilités diverses, des parcours nationaux et internationaux multiples et issues de générations différentes. Je considère pour ma part qu'ils étaient les mieux indiqués pour prendre en charge cette problématique et je mets au défi les quelques médias qui en ont douté dans leurs émissions ou leurs articles de démontrer le contraire. La participation du gouvernement conduite par le Premier ministre l'a été, durant tout le déroulement des travaux, sur un mode interactif quelquefois même contradictoire. Ce qui est assez inédit mais enrichissant et utile pour l'exercice. Sans préjuger du document final qui sera transmis aux pouvoirs publics selon les procédures d'usage, après sa validation par le Panel des experts, on peut déjà livrer un certain nombre d'éléments de convergence puisque le débat était ouvert à la presse. La première convergence porte sur la nature, l'ampleur, la durée probable de la crise et de ses effets économiques et sociaux à la lumière des mutations internationales récentes (premier moment thématique du Panel) et des rigidités et tropismes de la sphère réelle et monétaire interne (second moment thématique du Panel). Le troisième moment thématique du Panel était, quant à lui, consacré aux issues envisageables à la crise. Je m'arrêterai à ce troisième moment, sachant qu'il est imbriqué avec les deux premiers comme cela est apparu au cours des débats. Commençons d'abord par les mesures de court terme c'est-à-dire par la réduction de la menace la plus proche. Il s'agit des mesures de réduction du déficit budgétaire et de son financement. Les marges de manœuvre sont étroites car pour le gouvernement, et pour le moment, l'acceptabilité sociale d'une remise à plat des transferts sociaux et des subventions est faible. Par ailleurs un recul trop fort de la dépense publique en matière de budget d'investissement ne semble pas envisageable. J'avais donné le chiffrage précis dans mon avant-dernière chronique. Il faudra par conséquent trouver des sources complémentaires voire alternatives au Fonds de régulation des recettes dès 2016. Sous forme d'emprunt national, solution que j'avais avancée dans ces mêmes colonnes et qui a été considérée comme une option possible par le ministre des Finances au cours de ce Panel. On peut aussi dans ce registre émettre des obligations. Le recours aux ressources du marché pour le financement des infrastructures devrait être également prospecté. Sur le plan des réformes structurelles de moyen et long terme quatre séries de mesures me semble avoir fait consensus quant à leur priorité dans l'agenda de réformes: l'amélioration de la qualité des institutions, l'élargissement de l'offre industrielle et agricole par substitution aux importations et pour les exportations, le traitement du secteur informel et enfin le développement du capital humain. Par qualité des institutions il faut lire notamment transparence et organisation des marchés, régulation des conditions de concurrence. Il faut lire aussi stabilité du droit des affaires et jurisprudence dans le traitement des litiges, simplification des procédures et stabilisation du cadre d'investissement, de production et d'échanges des biens et services. Il faut lire enfin l'amélioration de la qualité et de la fiabilité du système national d'information statistique. Quant à l'élargissement de l'offre de biens et de services, il suppose le traitement définitif de la question du foncier industriel au profit de "l'entreprise nationale", y compris pour les IDE dont il va falloir également améliorer les conditions d'attractivité. S'agissant du traitement du secteur informel il a été estimé qu'on ne peut se contenter d'un traitement monétaire et fiscal mais d'intégrer ce traitement dans une démarche économique de requalification de ses activités comme cela a été fait au Brésil, au Mexique et au Chili. Pour le quatrième point, il participe du développement compétitif de l'entreprise algérienne en termes de qualité et de quantités. Les faibles dépenses d'innovation, recherche et développement par les entreprises algériennes témoignent de la faiblesse de leur capital industriel et technologique et partant de la faiblesse de leurs capacités concurrentielles. Corollairement, et pour rester dans l'actualité, le récent engagement pris par l'Algérie, dans le cadre de la conférence sur le climat de Paris (COP 21), de réduire de 22% ses émissions de gaz à effets de serre d'ici 2030 suppose une rationalisation de notre modèle de consommation énergétique et la promotion des énergies renouvelables. Ces deux actions seront fortement créatrices d'activités et d'emplois dits de l'ère post-carbone. Le Panel des experts l'a intégré dans ses conclusions. Mais il va falloir revoir la tarification de nos carburants tout de suite et l'augmentation d'un dinar du prix du gasoil prévue dans l'avant-projet de loi des finances 2016 est insuffisant à cet égard. En conclusion, ces quatre pistes de réformes, qui ne sont pas exhaustives, traduisent l'ampleur des mutations à opérer dans l'économie réelle de notre pays, dans ses institutions, dans sa gouvernance économique et politique et pour tout dire dans sa société. C'est à ce prix que nous passerons de la résilience, dont un grand pays exportateur de pétrole comme le Venezuela n'a pu se doter, à l'émergence à laquelle est déjà arrivé un pays comme la Malaisie. M. M.