Le Conseil national économique et social (Cnes), sollicité par le gouvernement pour une expertise économique, entend se réapproprier sa vocation d'institution de vigie et d'aide à la décision. En prévision de la réunion des experts prévue pour le 20 septembre prochain à la résidence El-Mithak à Alger, le Cnes a élaboré une "note conceptuelle" devant servir de document de base aux travaux des panels thématiques. Au nombre de trois, ces panels ponctueront la table ronde réunissant, donc, le gouvernement et l'institution de Mohamed Sghir Babes. Selon la note conceptuelle de cette table ronde, dont Liberté s'est procuré une copie, le premier panel devrait débattre du retournement du marché international des hydrocarbures. Le deuxième devrait analyser les crises économiques secouant le monde, du choc pétrolier de 1986 à l'essoufflement de l'économie chinoise, aujourd'hui, en passant par la crise des subprimes aux Etats-Unis en 2008, et le troisième devrait aborder les éléments d'un plaidoyer pour une sortie de crise. Intitulée "Les prégnances économiques du nouvel espace-monde et le retournement du marché international des hydrocarbures : quels impacts sur l'économie nationale et quelles préconisations suggérer aux Policy makers", cette table ronde sera organisée autour d'un collège d'experts nationaux et internationaux. Le Cnes, entré en hibernation après la tournée de son président en 2011 dans la foulée des émeutes de l'huile et sucre où il a eu à discuter avec des organisations locales de la société civile, marque ainsi sa rentrée 2015-2016, à la demande, il faut le dire, du gouvernement Sellal de tenir ce "collège d'experts". Les voix savantes sont d'ailleurs unanimes à préconiser la nécessité de changer de modèle économique pour éviter les fluctuations du marché des hydrocarbures. Les éléments de cadrage présentés dans cette note, contextualise en tout cas cette table ronde du Cnes avec le gouvernement. Le constat est amer selon les rédacteurs de la note. "Le retournement spectaculaire du marché international des hydrocarbures depuis septembre 2014 a fortement impacté les indicateurs fondamentaux de l'économie nationale – déficit budgétaire en hausse constante, réserves de change en baisse et trend inflationniste avéré etc. –, soulignant ainsi la forte vulnérabilité de notre économie aux chocs exogènes, notamment ceux résultant des fluctuations des cours internationaux des hydrocarbures et des denrées alimentaires", souligne-t-on. Une situation que le Cnes explique par les limites du modèle économique adopté : "Cette vulnérabilité est, au surplus, fortement potentialisée du fait que la croissance économique a été, jusqu'à présent, essentiellement tirée par les dépenses publiques, elles-mêmes financées quasi exclusivement par la rente pétrolière". Ainsi et au moment où le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, claironne que l'Algérie dispose encore d'une marge de manœuvre pour poursuivre le chemin qu'elle a emprunté au moment où le pétrole était à plus de 100 dollars/baril, le CNES recadre le débat : "Ce constat, purement factuel, ne prêtant à aucune équivoque, fait donc massivement consensus. Les stratégies propres à renforcer la résilience de l'économie nationale, par une atténuation de son excessive dépendance aux hydrocarbures, sont loin de rencontrer ce même consensus lors même que les marges de manœuvre se font de plus en plus réduites". Et le Cnes titille le gouvernement dans son ensemble lorsqu'il soulève le souci de court terme du gouvernement : "Certes, de nombreuses décisions, mesures et dispositions ont été prises par le gouvernement, en vue de juguler les effets de cette baisse des cours mondiaux des hydrocarbures. Mais ces dernières s'apparentent à des ‘quick-wins', fatalement à effet immédiat et limité dans le temps, laissant une large place à des polémiques sans fin quant à leur pertinence présumée". Et de conclure, en appelant à l'implication des compétences nationales dans la conception des solutions : "Ces questionnements lourds sont d'une portée stratégique irréfragable engageant donc, au-delà des décideurs politiques, l'ensemble des énergies vives de la nation. Au nombre de ces énergies, l'expertise nationale doit pouvoir prétendre à une place de choix, celle-là même circonscrite par le momentum crisogène que traverse notre pays, et qui en fait un point focal privilégié pour l'exercice de la fonction vigie et d'aide à la décision". L.H.