La présidence de la République aura attendu plus de vingt jours, après la mise à la retraite du général de corps d'armée, Mohamed Mediène, dit Toufik, pour rendre public un communiqué dans lequel elle tente d'expliquer les motivations d'une telle décision et, surtout, battre en brèche toutes les thèses avancées jusque-là. Une question se pose de prime abord : si la restructuration était, comme le dit le communiqué, engagée depuis belle lurette, pourquoi avoir attendu tout ce temps pour l'annoncer ? Pourquoi avoir entretenu tant de mystères, tant de supputations à son sujet ? Qu'est-ce qui aurait empêché le président de la République, chef suprême des armées, de l'assumer publiquement depuis tout ce temps ? Le communiqué, même s'il ne répond pas ouvertement aux tenants des thèses de lutte de clan ou de pressions étrangères, avance la version officielle : il s'agit d'une restructuration entamée depuis 25 ans. C'est-à-dire, depuis la désignation de l'ex-patron du DRS à la tête de ce service. Les changements opérés au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) s'inscrivent dans le cadre d'"une architecture en place depuis un quart de siècle", lit-on dans le communiqué de la présidence de la République, qui précise que ces changements et ces réorganisations au DRS "ont pour objectifs de renforcer la capacité et l'efficacité des services de renseignements du pays, et de les adapter aussi aux mutations politiques nationales". Le communiqué de la présidence de la République explique que ce "large mouvement" de réformes sécuritaires et politiques, mis en route en 2011, avec la levée de l'état d'urgence et la mise en chantier de plusieurs lois à portée politique, que le processus sera couronné prochainement par un projet de révision constitutionnelle. La version officielle vient, donc, contrecarrer les versions qui ont le plus circulé dans les médias et les réseaux sociaux. À commencer par celle qui parle d'une lutte de clans engagée depuis des années et qui a fini par être remportée par le clan de Bouteflika. Les partisans de cette thèse avancent que le Président n'a jamais caché son aversion pour tout ce qui pouvait lui faire de l'ombre. Il voulait être président, avec tous les pouvoirs, et être maître de ses décisions, sans être obligé d'en référer à quiconque. Durant son premier mandat, il avait tenté de réformer ce service, pour le placer sous la coupe de son ami d'alors, Noureddine Yazid Zerhouni, qui était ministre de l'Intérieur. Mais l'idée a été vite enterrée. Les limogeages des anciens généraux, qui avaient pris part à l'arrêt du processus électoral, sonnaient comme une volonté de la part du président Bouteflika d'en finir avec ces "décideurs". Après avoir écarté Mohamed Lamari, Larbi Belkhir et Mohamed Touati, et après s'être assuré de la fidélité du chef de l'état-major, le président Bouteflika a entamé la purge au sein du DRS en limogeant les bras droits du patron du DRS, d'abord, ensuite, en ôtant à ce service plusieurs directions sensibles, dont le DCSA, l'information, la Garde républicaine, le GIS, les enquêtes économiques. Le limogeage mais surtout l'arrestation du général Hassan allaient être la touche finale d'un plan visant à isoler davantage le patron du DRS. Selon les partisans de cette thèse, tout a basculé durant la période d'hospitalisation et de convalescence du président Bouteflika en France, lorsque des voix se sont élevées en Algérie pour invoquer l'article 88 de la Constitution, permettant de destituer le Président pour cause de maladie. Mais c'est surtout la thèse des pressions étrangères qui aurait été à l'origine du communiqué de la présidence de la République. Les partisans de cette thèse avancent que les services de renseignements occidentaux, notamment américains et anglais, auraient exercé de fortes pressions sur l'Algérie pour opérer des changements à la tête du DRS. En cause : l'attaque du site gazier de Tiguentourine. La thèse officielle, rendue publique, jeudi, mettra-t-elle un terme au débat sur la restructuration du DRS ? Ou, au contraire, ne fera-t-elle que le relancer de plus belle ? Attendons pour voir. A. B.