Dans une conjoncture pétrolière difficile, Sonatrach va certainement revoir "à la baisse" ses ambitions d'investissements, dans le court et le moyen termes, de la même manière que l'ensemble des compagnies pétrolières et gazières internationales qui ont décidé de réduire de façon drastique leurs investissements et même leurs effectifs. C'est ce qu'explique Baghdad Mandouch, expert en énergie. Celui-ci estime "illusoire" de parler, aujourd'hui, en période de crise, de "90 ou de 80 milliards de dollars d'investissement" pour le prochain plan de développement de Sonatrach. Au mieux de ses capacités financières, il y a quelques années, la compagnie nationale d'hydrocarbures, rappelle-t-il, "n'investissait qu'entre 11 et 12 milliards de dollars par an". Elle va certainement, selon lui, se recentrer sur les "projets à rentabilité assurée", en contexte de raréfaction financière. Le fléchissement des ressources transparaît dans les comptes du groupe. En effet, le chiffre d'affaires de Sonatrach en 2014 se situait autour de 58,4 milliards de dollars, celui prévisionnel de 2015 serait de l'ordre de 30 milliards de dollars, ce qui réduirait, selon Baghdad Mandouch, "grandement" sa marge de manœuvre. Que faire ? Faut-il repousser l'investissement ? L'expert recommande d'explorer davantage, mais dans des "zones matures" en termes de probabilité de découvertes. "Il faut, ajoute-t-il, forer dans les basins de Berkine, Illizi, Gourara, aux alentours de Hassi Messaoud et reporter le forage en offshore, un programme de près de 100 millions de dollars." Cette enveloppe peut être, dit-il, injectée dans "le processus de récupération" sur les gisements de Hassi Messaoud et Hassi R'mel qui sont les deux plus grands gisements de Sonatrach, l'un pour le pétrole et l'autre pour le gaz. En théorie, tout est possible Et la production pétrolière dans tout cela ? Si l'on tient compte de la mise en exploitation d'une partie des nouveaux gisements durant le second semestre 2015 et d'une amélioration sensible du taux de récupération à Hassi Messaoud et à Hassi R'mel, en prenant en compte le débit à la phase d'évaluation de trois gisements (Touggourt, Ghardaïa et El-Bayadh – il va tourner autour de 4000 barils/jour), la production va dépasser celle de 2014 et 2016 et va être meilleure que celle de 2015. Mohamed Saïd Beghoul, consultant et expert en énergie, émet, lui, des réserves sur le sujet, expliquant que "théoriquement, il n'est pas impossible d'augmenter la production des hydrocarbures du moment que des réserves prouvées sont encore disponibles et d'autant plus que de nouveaux gisements en association pourraient y contribuer dans le court et moyen termes, comme par exemple celui de Bir Sbaa de Touggourt avec Petro Vietnam - PTTE Thaïlande, Bir El-Msana avec Hess-Petronas, Touat (GDF), Timimoun (Total/Cepsa), Reggane (Repsol), Tinhert, pour ne citer que ceux-ci, sans oublier le boosting du champ de Hassi R'mel, etc.". Quant à porter la production à 195 millions de Tep à la fin de l'année, pour augmenter de 4,1% les exportations, il me semble, dit-il, à moins que je me trompe, que ce niveau de production correspond déjà à celui de 2014 quand les exportations ont chuté sous la barre de 100 millions de Tep, à 99 millions de Tep, soit environ 1% de moins qu'en 2013, alors qu'elles étaient de plus de 135, voire 140 millions de Tep, il y a dix ans. Pour 2014, ajoute-t-il, Sonatrach parle d'une hausse de production de 2% par rapport aux prévisions. Mais ce qui compte, selon lui, c'est de produire plus que l'année écoulée et non plus que les prévisions de l'année en cours. Aussi, souligne l'expert, même si nous produirons 224 millions de Tep en 2019, cela reste toujours en deçà du niveau des années 2005-2008 avec plus de 230 millions de Tep par an. Ainsi, affirme-t-il, toute augmentation qui ne dépassera pas les seuils déjà réalisés par le passé ne sera qu'une simple correction, c'est-à-dire un retour à la case départ, plutôt qu'une performance. Mais, dit-il, en période de crise, il est toujours intéressant de maintenir une stabilisation que de reculer. Maintenant, est-ce réalisable ? Cela, tempère-t-il, ressemble malgré tout à un challenge difficile à concrétiser pour diverses raisons. Et de détailler : "D'abord, sur le plan financier, et en cette période de crise, Sonatrach a-t-elle ces 100 milliards de dollars qu'elle compte investir d'ici à 2017, dont 60 milliards en amont pour reconstituer les réserves et augmenter la production ?" "En plus, note-t-il, toutes choses égales par ailleurs, l'augmentation de notre production n'est pas avantageuse pour les prix actuels." Pour Mohamed Saïd Beghoul, l'horizon 2017-2018, avec le déclin probable de certains gisements de schiste américains, la reprise de la croissance économique mondiale et chinoise en particulier, et donc des prix du baril, "semble plus opportun" pour une augmentation de notre production qui, d'ailleurs, ne pourrait atteindre facilement les plateaux visés dans l'immédiat. Y. S. Repères * Les réserves d'hydrocarbures s'élèvent à 4533 millions de Tep (soit 44% des réserves récupérables initiales), dont 1387 millions de tonnes de pétrole et 2745 milliards de mètres cubes de gaz naturel. * 233 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep) de production d'hydrocarbures en 2007 * 187 millions de Tep en 2012 * 195 millions de Tep à la fin 2015 * 224 millions de Tep en 2019 * Le domaine minier national est prospecté à hauteur de 64%. * Augmentation de 4,1% des exportations d'hydrocarbures à la fin 2015 * La consommation nationale de produits énergétiques a doublé entre 2000 et 2014, atteignant 51 millions de Tep. * Des rendements supplémentaires de gaz et de pétrole seront obtenus à Hassi Rmel, Hassi Messaoud, Berkine et El-Merk pour augmenter la production à court terme. * Amélioration des taux de récupération des gisements, notamment de Hassi Messaoud et de Hassi Rmel * Accélération de la mise en exploitation des gisements en cours de développement à Ahnet-Tidikelt, Tinhert, Timimoum et Reggane pour augmenter la production à moyen terme. * Poursuite de l'effort de forages et d'appréciation des découvertes réalisées, de forage et de prospection dans les zones peu explorées, et d'activités sismiques. * 12 contrats conclus entre Alnaft et Sonatrach pour la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures sur 12 périmètres situés dans les wilayas d'Ouargla, de Tamanrasset, d'Adrar, d'El-Bayadh et de Béchar.