Beaucoup d'élus et d'observateurs peinent à le croire : le wali de Béjaïa, Ould-Salah Zitouni, a pris, le 23 septembre dernier, un arrêté interdisant toutes les activités partisanes ou associatives dans l'enceinte des institutions cultureslles : maisons de la culture, maison de jeunes, salles de cinéma et théâtres. Ce qui n'a pas manqué de soulever l'ire des représentants de partis politiques et d'associations à l'échelle locale. Le wali a décidé ainsi, par un arrêté portant le n°2 288 et daté du 23/09/2015, qu'il est "formellement interdit d'utiliser des maisons de la culture, des salles de cinéma et salles de théâtre pour des activités autres que celles pour lesquelles elles sont destinées", sous prétexte de "préservation des structures culturelles de la wilaya". L'arrêté adressé aux chefs de daïra se réfère notamment à une ordonnance du 08/06/1966 portant code pénal, modifiée et complétée par la loi n°28/89 du 26 septembre 1975, portant sur les manifestations publiques, ainsi qu'aux codes communal et de wilaya promulgués en 2012. Le wali a donc dû puiser dans une législation vieille d'un demi-siècle. Ce qui fait dire à des acteurs de la scène politique et associative locale que l'arrêté ne vise qu'à entraver les activités des partis et des associations. Ce sont les espaces de liberté que l'on rétrécit ainsi, regrettent les militants des droits de l'Homme, à l'instar de Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme (Laddh), et des animateurs du Café littéraire, de Ballade littéraire et de Bruits des mots. M. Salhi exprime son inquiétude et son indignation face à la volonté du wali de restreindre le champ d'activité de la société civile et de freiner son dynamisme qui constitue aujourd'hui un modèle à l'échelle de tout le pays. À la Laddh, cependant, on ne compte pas en rester là. Un appel est d'ores et déjà lancé en direction des organisations de la société civile pour une réunion de concertation, aujourd'hui à 16h30, au CDDH, pour étudier la riposte à cette décision. L'inquiétude semble justifiée puisque l'arrêté est déjà mis à exécution. Une conférence que devait animer Ali Yahia Abdenour, cette semaine à la salle de cinéma d'Akbou, à l'invitation d'une association, a été interdite par les autorités "en application de l'arrêté". L'information a été donnée sur la Toile par le président du bureau régional du RCD de Béjaïa, Mouloud Deboub.Contacté par téléphone, ce dernier a déclaré que "le wali se trompe d'époque. Il ne pourra jamais museler une région, bastion du combat démocratique, et il le vérifiera à ses dépens". Il reste à savoir si Béjaïa est la seule wilaya concernée, ou si elle n'est que le point d'amorce d'une opération de dimension nationale. M. O./L. Oubira