Sentiment de dépit pour n'avoir pas figuré sur la liste des délégués qui se sont rendus chez Ouyahia ou motivation réelle pour ne pas participer à ce qu'il qualifie “d'aventure” ? Ali Gherbi, animateur non moins célèbre de la Coordination intercommunale de Béjaïa, a jeté hier un véritable pavé dans la mare. Selon lui, l'empressement manifesté par certains “délégués” pour rejoindre la table du dialogue est frappé de suspicion. “Ahmed Ouyahia connaît tous les délégués. Mon absence ne l'a pas dérangé et il croit fermement qu'il a affaire à des délégués représentatifs. Il pouvait retarder l'échéance du dialogue, mais ce temps nous a été refusé par nos frères”, a souligné Ali Gherbi lors d'une conférence de presse animée au siège du Soir d'Algérie à Alger. “Mon nom figurait sur la liste, et certains délégués m'avaient informé que je devais conduire la délégation, mais j'ai refusé. Aujourd'hui, les délégués ont choisi l'aventure, qu'ils assument leurs responsabilités !” Venu exprimer son “désaccord avec la démarche des frères de combat” en compagnie d'autres animateurs, Ali Gherbi reproche aux “dialoguistes” de n'avoir pas respecté les règles de fonctionnement du mouvement, à savoir une concertation à la base avant d'engager un quelconque processus de dialogue. “On ne peut pas engager tout un peuple. La base citoyenne a été marginalisée. Ils sont très loin de ceux qui ont placé leur confiance en eux. Il est regrettable qu'ils aient fait fi de ce qui a fait la force du mouvement”, a-t-il dit. Mais il n'y a pas que ce reproche. Il y a tout un chapelet de “doutes”. D'abord la célérité avec laquelle les “délégués” ont répondu à l'appel d'Ouyahia. “J'ai dit qu'il ne fallait pas se précipiter. L'offre de dialogue nous a surpris. On ne s'y attendait pas, et l'analyse du communiqué n'a pas été faite et appréciée à sa juste valeur. Il fallait voir dans quelle conjoncture il intervient, faire une prospective. Nous avons le droit de douter”, a-t-il soutenu. Ensuite les préparatifs : “On m'avait dit que le dernier conclave devait se tenir à Idjer, la première fois, et ensuite on m'annonçait qu'il se tiendrait finalement à l'institut des techniques hôtelières. J'ai appris que certains délégués voulaient forcer à aller au dialogue, et puis qu'ils auraient eu des contacts informels avec le pouvoir. Donc on avait décidé de ne pas participer.” Enfin, il suggère que le dialogue obéit à des calculs, notamment en perspective du référendum sur la Constitution et l'amnistie. En tout état de cause, Ali Gherbi prédit un nouvel échec à ce round de dialogue. “Je suis convaincu qu'il n'ira pas loin, et que s'ils avaient consulté la base, elle n'aurait pas cautionné”, dit-il. D'ailleurs il propose même l'arrêt du dialogue et brandit des menaces à peine voilées. “On propose l'arrêt du dialogue sinon on se fera entendre. On est prêt même à relancer la protesta. Nous rejetons ce dialogue et nous interpellons la responsabilité du gouvernement sur les risques d'un dérapage.” Interrogé si les “délégués” qui participent au dialogue sont “récupérés” par le pouvoir, il affirme qu'“ils sont sincères, mais peut-être impatients”. Cela dit, Ali Gherbi n'exclut pas de constituer une délégation et de prendre langue avec le gouvernement même s'il ne se fait pas trop d'illusions. “On peut aller pour lui dire que la délégation n'est pas représentative, mais apparemment c'est le gouvernement qui choisit les délégués”, a-t-il conclu sur un ton ironique. K. K.