"Cette élimination est préjudiciable à la Révolution, elle n'a malheureusement pas été la seule. D'autres gens ont connu le même sort que le contexte de protection et de défense de la Révolution ne pouvait justifier", a-t-il affirmé. Le président de l'association des anciens du Malg, l'ex-ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould kablia, réagit à la polémique suscitée par une récente interview dans laquelle des déclarations justifiant l'assassinat d'Abane Ramdane lui ont été attribuées. Dans un entretien téléphonique à Liberté, il s'offusque de ce que ses propos se rapportant à l'exécution du chef du FLN soient mal transcrits, soulevant une montagne de réactions indignées. "... minimiser de leurs actes et de leurs efforts en faveur de la lutte de Libération nationale pour porter un tel jugement", souligne-t-il, expliquant, s'agissant de son interview qui fait polémique, qu'il s'est "borné à relater les crises et les tensions inévitables dans toute lutte de Libération nationale entre frères de combat". Mais ce qui est davantage significatif dans la précision d'Ould Kablia, c'est le jugement hautement positif qu'il porte sur la personne d'Abane et son rôle prépondérant durant la Révolution. "Abane Ramdane a fait des choses extraordinaires à Alger et il était le chef incontesté du FLN, et à sa sortie du territoire national, l'ambiance qui prévalait à l'extérieur ne lui était pas favorable, en raison de l'incompatibilité des caractères et de la divergence des vues sur la manière de conduire la lutte, notamment lorsque le principe qui lui était cher, la primauté du politique sur le militaire, lui a été contesté par les militaires du CCE, sinon remis en cause dans la résolution qui a couronné les travaux du CNRA en août 1957 au Caire", témoigne-t-il, ajoutant que "le désaccord a persisté entre eux et la tension a évolué malgré les efforts tentés par Ferhat Abbas. Chaque camp pensait qu'il avait la vérité pour lui et, au final, les militaires du CCE se sont ligués pour décider de sa fin tragique." Daho Ould Kablia va même jusqu'à dénoncer la liquidation d'Abane Ramdane qu'il juge préjudiciable pour la Révolution. "Cette élimination est préjudiciable à la Révolution, elle n'a malheureusement pas été la seule. D'autres gens ont connu le même sort que le contexte de protection et de défense de la Révolution ne pouvait justifier. Malgré ses taches sombres, la Révolution a continué sa marche et nul ne peut aujourd'hui nier le patriotisme et l'engagement des victimes de leurs frères." Sommairement exécuté par ses "frères" d'armes durant cette funeste nuit du 25 ou 26 décembre 1957, dans une ferme entre Tétouan et Tanger au Maroc, Abane Ramdane continue, des années après sa mort, à être la mauvaise conscience de beaucoup d'entre ceux qui ont cautionné et applaudi à son élimination physique. À chaque date mémorielle célébrant, à l'instar du 1er Novembre 1954, la Révolution algérienne, ils instillent des polémiques offensant sa mémoire, paniqués vraisemblablement à l'idée d'assister au triomphe de l'idéal de la Soummam. Des offenses qui ne datent pas d'aujourd'hui. Dans ses mémoires publiés en 2002, l'ancien président du HCE, le colonel Ali Kafi, accusait Abane Ramdane d'intelligence avec l'ennemi. "Abane Ramdane avait des contacts secrets avec l'ennemi qu'il n'avait pas divulgués à ses collègues dans la direction jusqu'à ce qu'ils les aient découverts par leurs efforts et leurs propres moyens. Et c'est là où les soupçons l'ont entouré. Ceci poussa ses collègues à le persuader d'aller avec eux au Maroc sous prétexte de rencontrer le roi Mohammed V. Là, il fut jugé et exécuté." L'accusation valut à son auteur une salve de réactions indignées et une citation en justice par les héritiers Abane. Le jugement rendu en mars 2003 condamnait Kafi à retirer les passages controversés de ses mémoires. À la même période, le premier président de la République, Ahmed Ben Bella allait de sa propre offense, notamment lors de son passage sur la chaîne Al Jazeera. Ben Bella avait déjà eu à se féliciter de l'exécution d'Abane, à travers un message "aux trois B", à savoir Boussouf, Bentobal et Krim Belkacem, daté du 26 avril 1958, et dans lequel il écrivait : "Nous ne pouvons donc que vous encourager dans cette voie de l'assainissement. Il est de notre devoir à tous, si nous tenons à sauver la Révolution et l'Algérie de demain, de nous montrer intraitables sur ce chapitre de l'épuration." S.A.I.