Ibn Khaldoun (1332-1406), intellectuel encyclopédique inégalé. Il est connu en tant que cadi malékite, grand juriste, le Cadi des Cadis (Cadhi el Codhate). Connu comme grand historien. Réputé comme sociologue, pionnier de la sociologie d'urbanisme humain. Souvent cité au côté de Durkheim. Il est peu moins connu en tant que poète. Invoqué comme écrivain de voyage. Souvent cité en tant que biographe. Diplomate. Négociateur de guerre. Père de l'Histoire en tant que science. Le Montesquieu arabe. Ibn Khaldoun est par excellence l'homme, l'écrivain, l'intellectuel, le plus connu, le plus traduit, le plus visible chez les Maghrébins, les Machréquins et les Occidentaux. Ses écrits sont célébrés par les Arabes comme par les Berbères. Par les musulmans, par les chrétiens comme par les juifs. Dans cette visibilité multiple, il est toujours vu et commémoré comme la plume qui défend les lumières ! Courage intellectuel. Son livre phare La Moqaddima (Prolégomènes) ou encore Kitab el Ibar (Le livre des exemples) demeureront la source la plus citée par les chercheurs du monde dans toute lecture ou relecture de l'histoire du Maghreb et du Machrek. Des Arabes et des Berbères. Je ne suis pas historien. Mais j'aime, de temps en temps, lire ou relire les livres d'Ibn Khaldoun. Son autobiographie est écrite comme un roman. Tout en exposant, analysant, critiquant des thèmes sociologiques ou économiques ou démographiques, Ibn Khaldoun utilise un style littéraire romanesque narratif de haute qualité. Ces derniers jours, en lisant sur le soufisme, je suis tombé sur une fatwa qui m'a déboussolé. Une fatwa émise par Ibn Khaldoun à l'encontre des poètes et des savants soufis. Une fatwa qui montre l'autre côté d'Ibn Khaldoun l'intellectuel des lumières. Une fatwa qui nous montre l'esprit intolérant d'un Ibn Khaldoun obscurantiste, orthodoxe, salafiste (si on utilise le terme d'aujourd'hui). Et je vous présente ci-dessous, sans commentaire aucun, la traduction de cette fatwa khaldounienne, fasciste et ténébreuse. Ibn Khaldoun écrit : "... Mais quel sort réservons-nous à ces livres qui contiennent des convictions d'errance ? Quel sort réservons-nous à tous ceux recopiés ou transcrits à l'image de : El Foços Les chatons et El-Foutouhates el-Mekkiya , les Illuminations de La Mecque d'Ibn Arabi et El-Boud d'Ibn Sab'ïne et Khalâou Ennalayne d'Ibn El Kayssi et Aïn el Yakin (l'œil de la vérité) d'Ibn Borjan et la plupart de la poésie d'Ibn el-Faredh et El-Afif Ettilimssani... ainsi que Charh Ibn el-farghani li al akida Ettaiba d'Ibn El-Faredh. L'explication d'Ibn El-Farghani de la croyance excusée d'Ibn El-Faredh ? Ce qui est du destin de ces livres c'est de les brûler avec du feu et les laver de l'eau jusqu'à la disparition de toute trace d'encre. Dans cet acte d'incinération réside le salut public religieux. Il est demandé aux autorités, au gouverneur suprême des croyants de brûler ces livres afin de combattre l'égarement hérétique générale. Il est demandé aussi à ceux qui détiennent le pouvoir, les ombres d'Allah sur cette terre, de brûler ces livres et d'incinérer leurs auteurs aussi !!" Ceci fait peur et froid dans le dos ! Ainsi, Taha Hussein, dans sa thèse universitaire soutenue à Paris en 1917 intitulée Etudes analytiques et critique d'Ibn Khaldoun a accusé Ibn Khaldoun de "menteur", d'"opportuniste", de prétentieux et d'arrogant. A. Z. [email protected]