Il semble de plus en plus évident que le "Printemps arabe" ait été une occasion pour mettre à exécution des plans échafaudés ouvertement par des officines américaines. "Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples" c'est par cette citation du général De Gaulle que le journaliste et humanitaire français René Backmann a abordé mardi son intervention à la conférence-débat autour du thème "Le Machreq en ébullition", dans le cadre du 20e Salon international du livre d'Alger (Sila). "Cette situation complexe, difficile et imbriquée existait bien avant les révoltes arabes", confirme, pour sa part, Richard Labévière qui en veut principalement au traitement qui en est fait par les médias dit "Mainstream" dont les grilles de lecture tendent à présenter une "guerre de religions" notamment entre chiites et sunnites. Ces deux journalistes français pour lesquels on peut affirmer qu'ils sont en rupture de ban avec le politiquement correct et avec une certaine presse parisienne, s'accordent sur l'essentiel en rappelant cette approche qui consiste à renvoyer "dos à dos" Israéliens et Palestiniens, agresseurs et agressés. Les deux orateurs se rejoignent également sur la question de la partition du Soudan, une œuvre de déstabilisation du nouvel ordre mondial. Au sujet précisément de l'ancien plus grand pays d'Afrique, il convient de signaler la "défection" à ce débat du journaliste et écrivain soudanais El-Hag Warrag, convié officiellement au Sila et qui serait actuellement en "bisbille" avec le pouvoir du président Omar El-Bachir qui, lui, nous a rendu visite récemment malgré le mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale. Présent, l'écrivain syrien Nabil Souleïman considère, pour sa part, que le démantèlement de certains pays comme la Syrie, l'Irak et la Libye revient d'abord à la nature même de ces régimes autoritaires qui n'ont pas pu se réformer à temps et se prémunir ainsi contre l'extrémisme religieux ni même contre l'interventionnisme occidental. De ce point de vue, ce sont principalement les méthodes des dirigeants arabes qui ont mis leurs pays dans cette inextricable impasse et qui génèrent aujourd'hui ces incertitudes à n'en plus finir. Quant à Richard Labevière, celui-ci n'est pas de cet avis. Pour lui, les Etats-nations qui ont résisté aux tentatives de déstabilisation disposent essentiellement "d'appareils d'Etats stables". Et de citer dans ce cas précis, l'Algérie qui a échappé, rappelle-t-il, à la déferlante. Quid du rôle de la France ? Dans la foulée de ce débat passionnant, l'assistance a été invitée ensuite à une conférence portant quasiment sur le même thème avec la présentation du dernier ouvrage de Michel Raimbaud Tempête sur le Grand Moyen-Orient paru aux éditions Ellipses et qui sera traduit en arabe durant le 1er semestre 2016 par les éditions El-Djazaïr. Cet auteur, de passage pour la première fois en Algérie, n'est pas un inconnu. Loin s'en faut ! Il s'agit de l'ancien ambassadeur de France en Mauritanie, au Soudan et au Zimbabwe. Enfin, nous voilà avertis : "Les Américains font ce qu'ils disent, et disent ce qu'ils font", prévient-il. Pour le diplomate au long cours, les "Yankees" agissent, ainsi, au grand jour. Il fait valoir pour cela, des déclarations publiques et une documentation ouverte. Cette période dite du Printemps arabe, "avec de gigantesques guillemets" a été propice, selon lui, à l'exhumation de vieux plans longtemps cachés dans les tiroirs d'officines secrètes américano-israéliennes. Michel Raimbaud se félicite surtout de l'intervention russe en Syrie qui, d'après lui, a mis à nu, "en quelques jours seulement", l'inefficacité sinon "l'hypocrisie" des raids aériens de la coalition occidentale. Il appellera ainsi de tous ses vœux à l'avènement d'un monde multipolaire constitué des Brics et autres en lieu et place d'un monde unipolaire où les Américains décident de tout et de rien pour le reste du monde. Cette "conscience universelle" et ses interventions répétées ont fini par exacerber le sentiment d'injustice chez les peuples arabo-musulmans contraints de se soumettre à cette justice internationale implacable, à vitesse unique, notamment celle du plus fort et/ou, selon le cas, du plus riche ! L'auteur sera ainsi interpellé sur la position française sur la Syrie et sur ses relations suivies avec l'Algérie. Beaucoup se demandent, en effet, comment un pays où la laïcité est érigée en dogme sacralisé en vienne à soutenir aujourd'hui des extrémistes religieux. Michel Raimbaud, qui se défend d'être le porte-parole du Quai d'Orsay, affirme toutefois assumer l'ensemble de sa carrière diplomatique au service de la France. "Que voulez-vous que je vous dise. Il y a eu un virage dans la politique française dans les années 2003-2004". Et d'expliquer que depuis cette période les inclinations "sionistes" et "atlantistes" de la France sont devenues patentes. L'ancien ambassadeur français qualifie même le discours aux accents gaulliens de Dominique De Villepin à l'ONU lors de la crise irakienne comme un ultime "baroud d'honneur". Pour conclure, Richard Labévière qui a préfacé ce livre, considère que "c'est l'argent" qui mène, dans le cas d'espèce, la danse. Cela, on le savait déjà ! M.-C.L.