Ancien correspondant de presse à Tizi-Ouzou, Saïd Seddik-Khoudja s'est "converti" depuis, dans l'écriture romanesque. Il a publié aux éditions Amel deux romans : Deux femmes, deux destins et La petite indigène Liberté : Après une carrière de journaliste, vous avez choisi, depuis, de vous consacrer à l'écriture romanesque. Est-ce un cheminement logique, selon vous ? Saïd Seddik-Khoudja : Je vais être bref. Posez la même question à n'importe quel auteur ou écrivain, ils vous répondront presque de la même façon que moi. L'écriture est comme un clou, plus on tape dessus, plus on l'enfonce sans être certain de l'en tirer. Vous savez, en ce monde, rien n'est toujours perdu même la chose la plus éphémère soit-elle. C'est comme la goutte d'eau qui filtre du toit de chaume et de terre et se joint à d'autres qui iront grossir une rivière et aideront à faire voguer la barque du pêcheur ou le navire du marchand. Pour répondre avec précision à votre question, et pour être sincère, ce n'est pas un choix que j'ai fait pour me retrouver aujourd'hui à écrire des nouvelles ou des romans. Les plus grands écrivains des XVIIIe et XIXe siècles sont pour la plupart des journalistes issus de la presse écrite. Les écrivains contemporains notamment algériens aussi, furent d'anciens journalistes : Tahar Djaout, Mustapha Benfodil, Kamel Daoud, pour ne citer que ceux-là font partie de cette génération, bien que les deux derniers le soient toujours. Pour la 2e partie de votre question, je peux vous confirmer que l'écriture coulait dans mes veines depuis mon jeune âge, mais la presse m'a aidé beaucoup et m'a boosté dans ma démarche. J'avais un penchant surtout pour les reportages et les enquêtes à tel point que certains responsables, élus, et autres..., mis en cause dans mes papiers me rendaient la vie si "dure" que je les évitais. Mais bon, ce sont les aléas du métier et surtout mon choix de dénoncer certains dépassements. "Les lois sur la presse sont comme la paille qu'on étend devant les maisons et qui n'empêche ni les voitures de rouler ni les malades de mourir", une citation du XIXe siècle de Fievet qui illustre la situation dans laquelle évolue la presse en général dans notre pays. Vous avez publié deux romans, peut-on avoir un bref aperçu du dernier ? Oui, j'ai publié en 2009 chez les éditions Amel un recueil de nouvelles, intitulé Deux femmes, deux destins qui relate la vie sociale kabyle et algérienne en général au XIXe siècle. Ce sont des histoires qui m'ont été racontées en brut par Saci Yahia du village Boudjeha (qui, hélas, n'est plus de ce monde). Mon deuxième roman, La dame au parfum des genêts paru chez le même éditeur à l'occasion du Sila 2013, se veut un hommage rendu à ma façon aux correspondants de presse, pour ne pas dire à toute la corporation de notre pays. Les correspondants de presse puisque c'est le sujet de mon roman, sont souvent exposés aux divers dangers, aux animosités, aux embûches, aux tentatives de corruption, menaces de toutes sortes s'opposant à leurs investigations. Le correspondant régional est souvent le plus renseigné sur les affaires de toutes sortes grâce à son réseau de proximité. Mais il est aussi le plus fragile, le moins connu pour ne pas dire le moins considéré. Sa situation sociale est souvent la plus précaire, donc plus facile à intimider, à bâillonner, au final à mettre dehors ou en prison. Mais il a conscience d'avoir entre les doigts une arme redoutable, le pouvoir des mots pour peu que son employeur libère ses ailes. Sauf erreur, il n'y a pas beaucoup de romans édités dans ce domaine en Algérie. Il est vrai que ce genre d'histoires ne sert à rien, sinon on prend tous les jours l'humanité avec de vieux pièges qui ont déjà servi. Si vous avez à comparer l'écriture journalistique à l'écriture romanesque, que diriez-vous ? Ecrire dans un journal, c'est juste rapporter l'information dans un espace aussi court, limité, voire réduit. L'information est généralement brève, concise. Par contre dans un livre, on se laisse aller à la narration et on n'est pas limité par l'espace et le temps. Le livre est une écriture de la postérité. Des projets peut-être dans l'écriture, un retour au journalisme ? Des projets littéraires, il y en a toujours, bien que l'écriture ne nourrisse pas son homme dans notre pays. En plus, mes obligations professionnelles m'empêchent de fixer les échéances. Je travaille actuellement sur un projet de nouvelles, et si tout va bien, il sera terminé au courant de l'année prochaine. Pour le retour au journalisme, qui me manque d'ailleurs, je me contenterais de cette citation de Claveau qui dit : "On aime son journal comme un fumeur son tabac : en le maudissant". M. M.