Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhelfa, qui a répondu hier aux députés, après trois jours de débats plutôt houleux sur le projet de loi de finances 2016, a laissé entendre que la politique sociale adoptée depuis l'Indépendance par l'Etat n'est pas éternelle et qu'elle devra, donc, être réformée progressivement. Le ministre a ciblé particulièrement les subventions actuellement généralisées à toutes les couches sociales et suggère désormais de les remplacer "progressivement par des subventions ciblées". Autrement dit, des subventions qui ne toucheraient que les couches démunies. "Face au nouveau contexte économique", induit par la baisse des prix du pétrole, "nous ne pouvons plus poursuivre la politique des subventions généralisées. Il faut absolument aller vers des subventions ciblées. Et c'est ce que nous allons faire, mais progressivement, pour que les subventions aillent seulement aux nécessiteux dont la cartographie nationale sera définie", a-t-il déclaré. Il a rappelé que le montant des transferts sociaux avoisine les 19 milliards de dollars. Si elles sont contestées par la majorité des députés, M. Benkhelfa juge que les dispositions introduites dans le PLF 2016 seraient, dans leur ensemble, conçues pour permettre au pays de construire une économie "moderne, diversifiée et surtout ouverte et qui ne devrait plus dépendre exclusivement des hydrocarbures". Une économie ouverte à tous les investissements, argue-t-il, dans l'objectif de mobiliser le maximum possible des ressources nationales autres que les hydrocarbures. Le ministre a tenu à rassurer que le déficit du budget de l'Etat estimé à "500 ou 600 milliards de dinars" serait "compensé par l'épargne nationale". Dans son souhait de convaincre sur les nombreux articles contestés et craignant une remise en cause des équilibres économiques, le ministre a justifié que la forte baisse des recettes pétrolières, qu'il estime à plus de 50%, impose au gouvernement de mobiliser toutes les ressources nationales et d'encourager les investissements tous azimuts. D'où sa conviction que les dispositions du PLF 2016 seraient bien étudiées pour permettre le développement économique. Les dispositions touchant à la sacro-sainte loi 51/41, l'ouverture du capital des entreprises publiques au privé ou encore le recours des investisseurs privés aux financements étrangers, sont, rappelons-le, celles qui suscitent l'appréhension, voire la peur des députés. Ce que le ministre estime injustifié car, rassure-t-il, "ces articles ne remettent en aucun cas en cause les équilibres" et que, mieux, "ils sont faits pour encourager l'investissement". Le ministre a, à ce titre, défendu y compris les articles du PLF 2016 supprimés par la commission des finances et du budget. Pour lui, tous les articles proposées seraient "positifs", en ce sens, dit-il, que "le développement de notre économie exige de sortir du conformisme et de l'unanimisme ayant prévalu jusque-là". À ceux qui reprochent au pouvoir d'avoir échoué de construire une vraie économie durant les années de l'embellie financière, M. Benkhelfa a brandi l'argument que ce dernier était alors occupé à mettre en place les infrastructures de base qu'il qualifie de "legs commun" qui aura coûté à l'Etat "25 000 milliards de dinars investis entre 2009 et 2014". Si dans leurs interventions respectives, prononcées juste avant la réponse du ministre, les présidents des groupes parlementaires de l'opposition, (indépendants, PT, FFS et AAV) ont convergé pour dénoncer un projet de loi "scélérat" imposé par "une oligarchie", ceux de la majorité, (RND et FLN), quant à eux, donnent déjà un avant-goût de l'issue du vote prévu lundi prochain. Des observateurs craignent de voir même certains articles supprimés par la commission des finances "revenir et... passer comme une lettre à la poste". F. A.