B. Farid n'était pas un simple harrag en quête d'une vie meilleure, mais un terroriste qui a décidé d'aller, en Syrie, grossir les rangs du Front al-Nosra qui activait, parfois, sous la bannière noire de l'Etat islamique. C'est ce que le tribunal criminel d'Oran a conclu, hier matin, en déclarant le prévenu coupable d'appartenance à un groupe terroriste activant à l'étranger, et en le condamnant à cinq ans de prison ferme. Pour les membres du tribunal, comme pour le ministère public, les aveux faits par le prévenu lors de son interrogatoire étaient très précis et les noms et les faits qu'il a révélés recoupaient les informations en possession des services de sécurité. "Je n'ai pas fait ces aveux de mon propre gré (...) On m'a torturé pour que je signe des PV qui ne comportaient pas mes déclarations", a-t-il déclaré à la barre en rejetant en bloc les accusations portées contre lui. Selon l'arrêt de renvoi, l'homme de 43 ans, couturier de son état, s'est rendu en 2013 en Syrie pour rejoindre le Front al-Nosra au moment où Abou-Bakr El-Baghdadi annonçait le parrainage de l'organisation salafiste née dans le sillage de la guerre civile. D'après le document, Farid, alias Abou Mouhajir, a rallié la Syrie à travers la Turquie, il y est resté 7 mois et a participé à des attentats, avant de prendre peur lorsque le phénomène des enlèvements et des exécutions a commencé. Trois autres Algériens l'auraient, d'ailleurs, accompagné dans son expédition et sont poursuivis pour le même chef d'inculpation : A. Houari, alias Abou Bara, K. Maâmmar, alias Abou Hichem, et M. I. Bouziane, alias Abou Abbas, qui sont en fuite et font l'objet de mandats d'arrêt. "Tout est faux !", s'est insurgé l'inculpé en soutenant être parti en Turquie avec l'intention de passer en Grèce pour s'installer dans un pays de l'UE. "Et c'est d'ailleurs en tentant de traverser la mer (Egée, ndlr) vers la Grèce que j'ai perdu mon passeport (l'accusation affirme qu'il est en possession de Daech, ndlr). J'ai été contraint de rester à Izmir pendant 7 mois en vivant d'expédients où j'ai été arrêté et emprisonné pour séjour illégal. De guerre lasse, je me suis rendu à l'ambassade algérienne d'Istanbul, qui m'a finalement rapatrié." Pour le ministère public, l'histoire de Farid ne tient pas debout : "Il s'est rendu en Syrie où il s'est affilié à un groupe terroriste. Les aveux qu'il a faits lors de l'interrogatoire sont éloquents. Il a donné des faits, des dates et cité des noms précis." Il ne peut pas prétendre par la suite avoir tenté une harga, a estimé le procureur en requérant 15 ans de réclusion criminelle. "Aucun élément probant incriminant mon client n'a été apporté lors des débats", a rétorqué l'avocat de la défense en rappelant que l'itinéraire de Farid est connu de tous les harragas. "Des milliers d'Algériens et, maintenant d'Africains, ont pris la route Oran-Alger-Annaba-Oum Tboul-Turquie. Cela n'en a pas fait des terroristes pour autant", a-t-il martelé en soulignant que le périple de son client s'est arrêté à Istanbul. Et même si l'expertise médicale n'a pas constaté des lésions sur son client, cela ne veut pas dire qu'il n'a pas été torturé. "On peut extorquer des aveux par les intimidations et les pressions psychologiques", a-t-il encore affirmé en insistant sur l'expertise des services de renseignement en matière d'interrogatoire. L'avocat demandera ainsi l'acquittement de son client pour absence de preuves. Après délibérations, le tribunal criminel condamnera B. Farid à cinq ans de prison ferme et A. Houari, K. Maâmmar et M. I. Bouziane à 20 ans de réclusion par contumace. S.O.A.