Le bidonville d'Ouled Bouchia n'est qu'un parmi ces dizaines de taudis éparpillés à travers toute la wilaya de Bouira. Reportage. La localité d'Ouled Bouchia, dans la commune de Bouira, s'est transformée, au fil des années, en un immense bidonville. Les citoyens qui y "vivotent" entassés dans des taudis côtoient rats, reptiles et autres bestioles en tous genres. Virée sur les lieux. Le constat est édifiant : les familles, une centaine, vivent dans des pièces d'à peine 6 m2 ! Aami Saïd, septuagénaire, croisé à proximité d'une école primaire, confie qu'il n'ose plus rentrer chez lui le soir et qu'il est obligé de dormir à la belle étoile. "Dormir avec mes filles et leurs enfants, dans la même chambre, c'est au-dessus de mes forces ! Je préfère dormir dans ma vieille voiture", avouera-t-il. À sept dans six mètres carrés ! Dans les dédales de ce bidonville, on croise des citoyens désemparés, délaissés et pour certains d'entre eux, comme des corps "errants" carrément las de cette vie, qu'ils qualifient de misérable. "Ce sont les gens qui donnent les logements ?", s'interrogera une fillette à notre vue. Sa mère lui intimera l'ordre d'"aller jouer ailleurs !". La mère en question s'appelle Latifa. Le visage blême, le regard timide mais, au fond de ses yeux, transparaît une certaine rage de vivre. "Vous connaissez l'enfer sur terre ? Eh bien vous y êtes", ironisera-t-elle en nous invitant dans sa "modeste" demeure faite d'un assemblage cimenté de parpaings couvert par une toiture en zinc qui risque de s'envoler à la moindre bourrasque. "Nous vivons à sept dans cette maison", dit-elle. En fait de maison, elle désigne la seule pièce de 6 m2 qui fait office de... salon, de cuisine, de salle de bains et de chambre à coucher. "Cela fait près de 48 ans que notre situation ne cesse d'empirer, sans qu'aucun responsable ne voie notre situation", dit-elle d'une voix lasse. "Nous vivons comme des rats !" À quelques mètres de là, nous rencontrons Miloud, un jeune étudiant et président de l'association de ce "quartier", si on ose appeler ainsi cet ensemble de gourbis. Miloud dresse un sombre tableau de leurs conditions de vie. "Le soir, à la tombée de la nuit, on peut vraiment ressentir le véritable sens de l'enfer sur terre..." Et d'ajouter : "Quand il pleut, on prie le ciel pour que la toiture ne s'effondre pas sur nos têtes. Sans parler des fils électriques qui pendouillent un peu partout. Voilà où nous en sommes... nous vivons comme des chiens !" Une vieille dame, qui était à côté, rectifie ironiquement : "Non, c'est faux ! Les chiens sont mieux que nous. Nous vivons comme des rats." Malgré sa réplique, cette femme, d'un âge avancé, contrairement aux autres habitants du bidonville, ne réclamait pas un logement, hors de "son quartier". Elle souhaite simplement avoir un peu de ciment pour rafistoler sa toiture. "Je ne veux pas d'un logement, je veux juste un peu de ciment ou de plâtre pour réparer ma toiture. Les infiltrations d'eau me font vivre l'enfer", a-t-elle expliqué. Elle vit grâce à ses talents de potière. Des poteries qu'elle fabrique et vend pour subvenir à ses besoins. "Craignez Dieu !" Avant de quitter les lieux, cette vieille dame, le corps frêle et le dos courbé par une sévère hernie discale, a tenu à s'adresser aux responsables locaux. "Khafou Rabbi (Craignez Dieu) et ne laissez pas nos enfants grandir dans la misère. Nous, nous nous considérons comme morts et enterrés, mais ces petits enfants, ne les abandonnez pas." Le bidonville d'Ouled Bouchia n'est qu'un parmi ces dizaines de taudis éparpillés à travers toute la wilaya. L'engagement du ministre de l'Habitant à éradiquer tous les bidonvilles du pays ne semble pas s'appliquer à Bouira ! R.B.