Les premières investigations mènent à la piste d'une grosse opération de transfert illégal de capitaux. L'affaire liée à l'importation frauduleuse d'une cinquantaine de containers gros tonnage (double des containers ordinaires), avec un total de 1 million de bouteilles — chiffre confirmé par les douanes —, risque dans les prochains jours de déborder le port d'Alger et d'entraîner l'enquête en cours au niveau de certaines agences relevant des banques domestiques. M. Sid Ali Lebib, directeur général des douanes, a déclaré que “l'argent dû au titre de cette importation a été transféré vers une banque de Monte-Carlo”. Sans citer le montant en devises transféré, il s'interdira catégoriquement, malgré notre insistance, de divulguer le nom de la banque algérienne par le biais de laquelle l'opération de paiement a eu lieu. Aucune indication ne sortira de la bouche du DG des douanes qui acceptera uniquement de déclarer : “L'importateur, un prête-nom, est un jeune homme identifié, natif de Médéa et habitant Tiaret.” Poursuivant, il précisera : “Nous savons que c'est lui qui a déposé l'argent à la banque et c'est lui aussi qui a accueilli la marchandise.” Par ailleurs, d'autres sources douanières nous ont déclaré que les transferts, selon l'enquête, ont été lancés à partir d'une agence localisée. “Le lampiste” qui aurait, selon nos sources, ouvert des comptes sur plusieurs banques aurait déposé des milliards de centimes “sur la base d'une simple photocopie de la carte d'identité et sans que l'on s'inquiète de la provenance de ces fonds, entre les mains d'un jeune”. “Aujourd'hui, tous ses comptes sont à zéro”, relève-t-on, en signalant qu'il n'aurait laissé que “500 DA” à la banque. Ce qui constitue une bien maigre somme sur laquelle se serait appuyée la douane pour procéder à la saisie. En plus de la banque de Monte-Carlo, connue pour être un paradis fiscal, mais réputée pour les institutions off-shore, on a recensé, ajoutent nos sources, “2 à 3 banques européennes qui ont accueilli ces transferts”. Ce qui d'emblée pose la problématique autrement : les agences ou l'agence bancaire algérienne ont-elles été arnaquées ? Auquel cas, cela supposerait que des documents, tels que connaissements et autres domiciliations bancaires préalables à tout transfert, ont bel et bien été présentés. S'agit-il d'une importation alibi, constituée d'une marchandise sans valeur à l'achat, qui aurait servi juste pour justifier en fait une fuite de capitaux ? D'autant que “jusque-là, toutes les pistes sont valables et que les bouteilles n'ont pas encore été contrôlées dans leur totalité...” Ceci pour dire que cette affaire de whisky mise au jour par l'inspection divisionnaire d'Alger port n'est pas près d'arrêter à ce niveau. Car l'objet de l'importation a, en fait, pu justifier un transfert qui pourrait en réalité être l'unique et le seul objectif de la manœuvre. D'ailleurs, il n'est pas exclu que l'importateur ne fût aucunement intéressé par la marchandise en elle-même, puisqu'il gagnait “au change” en procédant audit transfert. Cette hypothèse est d'autant plausible, car on indique que le whisky était frelaté et les bouteilles “récupérées dans des décharges vraisemblablement”. En tous cas, “elles ont déjà été utilisées”, insiste-t-on. À rappeler aussi que ce jeune prête-nom a utilisé un registre du commerce affichant une activité de “transformation des huiles industrielles et chimiques” et, sur le manifeste exploité par la douane, il ressort que ces containers étaient déclarés contenir de “l'élixir de canne”. La nuance mérite d'être signalée : “Aucune déclaration n'a été introduite”. On apprendra également que le cargo, avant d'accoster le 31 mai au port d'Alger en provenance du Mexique, “a tenté de décharger le whisky en Europe de l'Est, d'où il a été refoulé, et ensuite à Malte, où il a été encore une fois impossible à cet importateur d'écouler son produit”. M. Lebib dira qu'il s'agit d'une organisation, voire d'un réseau bien structuré, conseillé et qui dispose de toute une logistique, “car c'est une affaire de milliards”. Ajoutant que “d'habitude, ces gens-là sont organisés de telle sorte à ce que la filière ne soit généralement pas remontée à partir du simple lampiste, en veillant à casser les liens”. Mais, avertit-il, “l'enquête est en cours et les véritables auteurs sont au centre d'une enquête tous azimuts”. Il rappellera que “ces gens étaient sûrs de leur coup, mais entre-temps, ils ont été surpris par les changements et la réorganisation opérée au mois de juin au port d'Alger”. Mieux encore, le nouveau dispositif entré en action, notamment par la nomination de nouveaux cadres des douanes et les mutations, en plus des mesures de suspension sur les entrepôts publics s'agissant de revente en l'état, ont coïncidé, pour ne pas dire contribué à casser un courant de fraude confronté à un sang nouveau et à des réflexes de pratique, loin d'être calculés par les pseudo-opérateurs. Le DG des douanes rendra un vibrant hommage aux douaniers du port d'Alger et à l'ensemble des cadres qui ont été derrière cette prise historique, laquelle confirme l'investissement douanier en direction d'un processus de redressement et d'assainissement qu'il qualifiera d'”irréversible”. Car, souligne-t-il, “il est appuyé et soutenu par la volonté politique des pouvoirs publics, déterminés dans cette voie”. A rappeler enfin que 5 et 6 conteneurs ont été découverts dans des entrepôts publics gérés par des privés au niveau de Chéraga et des Pins maritimes. A. W.