- Le patron de la Compagnie/personname / nationale de navigation, le directeur de l'armement, un directeur technique, un inspecteur de navire ainsi que le commandant du vraquier Batna ont été mis sous mandat de dépôt. - Cinq autres cadres sont placés sous contrôle judiciaire. - Enfin, une quarantaine de personnes entendues également dans cette affaire, dont le P-DG du port, ont été laissées en liberté provisoire. Deux mois et douze jours après le naufrage du Béchar avec 19 membres d'équipage et l'échouage du Batna sur le rivage des Sablettes, la justice a frappé. Ali Koudil, président-directeur général de la Compagnie nationale de navigation (Cnan), et MM. Ammour, Mikhlalene, Zaoui, respectivement directeur de l'armement, directeur technique et inspecteur de navire ainsi que M. Belhmaou, commandant du Batna, ont été inculpés et mis sous mandat de dépôt hier dans la nuit par le procureur de la République près le tribunal de Sidi-M'hamed. La première phase de l'instruction achevée peu avant l'aube, à trois heures précisément, a conduit par ailleurs à la mise sous contrôle judiciaire de cinq autres cadres de la compagnie. De leur côté, 40 autres personnes officiant à la Cnan et à l'Entreprise du port d'Alger (Epal), dont le directeur général Ali Ferrah et des gardes-côtes, ont été laissés en liberté provisoire. La principale charge retenue contre les inculpés évoque “des négligences graves”. Cet intitulé est le même utilisé par la Gendarmerie nationale dans l'enquête qu'elle a menée au lendemain de la catastrophe maritime. Le commandant Alioua, colonel du groupement centre de la gendarmerie, a révélé hier qu'une quarantaine d'individus ont été entendus par ses services dans le cadre de cette investigation. “Notre enquête s'est achevée, il y a une dizaine de jours. Aussitôt, la justice s'en est saisie”, a-t-il confié. Depuis une semaine donc, des dizaines de personnes se sont succédé dans les bureaux des deux juges d'instruction du tribunal d'Alger. La seconde phase de l'instruction a débuté hier avec une série d'autres auditions. M. Lakel, le commandant de bord ayant embarqué sur le Béchar l'été dernier, devait être entendu en tant que témoin par l'un des magistrats en début d'après-midi. Auparavant, il a livré ses informations à la gendarmerie. Cet officier fait partie des quatre commandants de bord licenciés par la direction de la Cnan sous prétexte d'avoir porté atteinte au pavillon national. À vrai dire, leur limogeage se justifie par leurs révélations fracassantes sur la catastrophe du Béchar. Dans la nuit du 13 au 14 novembre 2004, soit à la veille de l'Aïd El-Fitr, le cargo avait sombré avec 19 membres d'équipage, dont le commandant de bord. Deux marins uniquement ont survécu au drame. En rade à proximité de la jetée Mahieddine, non loin du siège de l'Amirauté, l'embarcation, vieille de 26 ans, s'est fracassée contre les récifs. La tempête a été largement invoquée pour expliquer la catastrophe, mais surtout afin d'excuser la précarité des secours. La direction de l'armateur national avait mis en exergue alors les vagues de plusieurs mètres de hauteur et la férocité des vents. Désastreuse ou pas, la tourmente était prévisible compte tenu d'un bulletin spécial adressé à temps par l'Office national de météorologie à la compagnie nationale de navigation. Cependant, en dépit de ce préavis, rien n'a été fait pour épargner au Béchar son sort tragique. Selon les allégations ressassées au lendemain du drame, il aurait été plus salutaire de laisser les navires en haute mer pour leur éviter de se fracasser contre les quais. Cet avis était partagé par la direction du port d'Alger. Arguant du mauvais temps, le patron de l'Epal, Ali Ferrah, avait également fait un aveu d'impuissance. Pourtant, c'est son incapacité à venir en aide aux naufragés qui est mise en relief aujourd'hui par la justice. Le jour du naufrage, l'Epal avait à sa disposition deux remorqueurs uniquement. Prise de court, elle avait dû dépêcher des ports de Skikda, d'Arzew et de Béjaïa d'autres équipements de ce type. Mais c'était trop tard. De toute façon, ce genre de remorqueurs réservés à l'enceinte portuaire étaient inutilisables en haute mer. Un chef mécanicien qui était monté sur l'un d'eux pour prêter assistance au bateau en détresse avait eu les deux jambes sciées. Enfin, l'absence d'un hélicoptère de secours avait définitivement compromis l'opération de sauvetage. Pour pallier cette lacune, les autorités militaires avaient fait appel aux moyens des gardes-côtes espagnols. Malheureusement, l'hélicoptère ibérique est arrivé alors que les mâts du Béchar étaient uniquement visibles à la surface de l'eau. Parmi les 19 marins décédés, 4 n'ont jamais été retrouvés. Un des derniers corps a été repêché par les agents de la Protection civile à plusieurs dizaines de mètres du lieu du naufrage, à proximité de l'endroit de l'échouage du second navire le Batna sur la plage des Sablettes. Ce vraquier avait une vingtaine de membres d'équipage à bord. Le hic est que le capitaine M. Belhmaou n'était pas aux commandes. En tant que premier responsable du navire, il doit répondre désormais de son absence devant la loi. Affaire à suivre. S. L.