Le président-directeur général du groupe Cnan, Ali Koudil, et quatre de ses cadres, Mohand Amokrane Amour, directeur central de l'armement, Kamel Ikhadalen, directeur technique, Zaoui, inspecteur technique du navire Béchar, et Benhamou, le commandant du navire Batna, ont été mis sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le tribunal de Sidi M'hamed, dans le cadre de l'affaire du naufrage du navire Béchar et de l'échouage du Batna, a-t-on appris de source judiciaire. Hier, vers 3 h, les cinq inculpés ont été transférés par la gendarmerie vers l'établissement pénitentiaire de Serkadji, à Alger. De lourdes charges ont été retenues contre eux par le magistrat instructeur, parmi lesquelles « non-assistance à personnes en danger et négligences graves ayant entraîné mort d'homme ». Le magistrat instructeur a mis sous contrôle judiciaire cinq autres responsables de la compagnie maritime, chargés des services techniques et de l'armement, et gardé en liberté provisoire une quarantaine d'autres en attendant la fin de l'instruction. Dans une première étape, le juge a entendu et confronté une cinquantaine de personnes, dont les responsables de la Cnan, de l'Entreprise portuaire d'Alger (Epal) et des gardes-côtes. Pour ces deux derniers, les auditions se poursuivaient hier, et il est probable, nous a-t-on précisé auprès des mêmes sources, que des charges soient retenues contre certains d'entre eux. A signaler que l'enquête de la gendarmerie nationale, après deux mois d'investigation, a conclu à « une grave négligence et à non-assistance à personnes en danger ayant entraîné mort d'homme ». Des sources proches des enquêteurs ont indiqué à El Watan qu'il y avait en cette journée fatidique du 13 novembre 2004, « entre le début de la tempête et l'arrivée des grandes vagues, suffisamment de temps (près de 5 heures) pour permettre aux victimes d'être sauvées. Il y a eu quelque part une négligence mortelle qui a coûté la vie à 16 marins. L'enquête l'a confirmé ; il reste au tribunal de situer les responsabilités de chacun dans cette tragédie ». Ces conclusions ont été confortées, nous a-t-on expliqué auprès des mêmes sources, par les affirmations des experts auxquels les enquêteurs ont fait appel dans le cadre de ces investigations. Le rapport d'enquête a été remis au parquet d'Alger, il y a deux semaines, et les premières décisions du juge d'instruction sont tombées, très tôt dans la matinée d'hier. Ces décisions vont conforter les officiers du syndicat autonome de la marine marchande (Snomar) qui ont été licenciés par le premier responsable de la Cnan pour avoir sévèrement critiqué publiquement la gestion de la compagnie qui, selon eux, est la cause du naufrage des deux navires. Par ailleurs, il est important de noter qu'il s'agit là d'un précédent unique dans les annales de la justice algérienne. L'opinion publique a de tout temps été habituée à des situations assez graves ayant engendré mort d'hommes sans que les tribunaux soient saisis. Au fil des années, la banalisation de la mort et de l'impunité a fini par faire partie du décor quotidien de l'Algérie. Il y a trois ans, un millier de victimes emportées par les eaux en furie à Bab El Oued auraient pu être sauvées si les autorités locales avaient pris les dispositions nécessaires pour interdire aux automobilistes l'accès à ce quartier et avertir les riverains d'une telle situation de catastrophe. Une autre tragédie aussi grave a été le crash du Boeing d'Air Algérie, à Tamanrasset, qui a fait plus d'une centaine de morts, il y a plus de deux ans. Même si les rapports d'expertise ont révélé une défaillance technique et une erreur humaine de la part de l'équipage, à ce jour, l'instruction ouverte par le parquet de Tamanrasset n'a toujours pas abouti. Par ailleurs, des enquêtes ont été ouvertes sur les conditions de construction des immeubles, par les promoteurs publics et privés, qui se sont écroulés comme des châteaux de cartes lors du séisme du 21 mai 2003. A ce jour, aucune suite n'a été donnée à cette enquête, reléguée aux calendes grecques.