La rivalité existant entre l'Arabie Saoudite et l'Iran dans la région est source d'une tension récurrente entre les deux pays, dont les relations sont exacerbées par le moindre incident. La guerre de leadership qu'ils se livrent depuis de longues années pourrait se transformer en une véritable guerre armée. Et cette fois-ci, c'est la communauté chiite minoritaire du royaume sunnite wahhabite qui est source de conflit entre Riyad et Téhéran. L'exécution par les autorités saoudiennes du dignitaire chiite, cheikh Nimr Baqer al-Nimr a inévitablement provoqué une nouvelle crise entre les deux capitales, qui risque de dégénérer si jamais la tension ne retombe pas. La situation inquiète sérieusement la communauté internationale, à commencer par l'ONU, les Etats-Unis et l'Union européenne (UE), qui ont multiplié les appels au calme. On craint que cela ne s'enflamme davantage, car les tensions entre chiites et sunnites dans la région sont source de soucis pour les gouvernants. Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, n'y est pas allé de main morte hier en avertissant l'Arabie Saoudite : "Sans aucun doute, le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens". Il intervenait après les incidents de la nuit dernière, qui a vu des centaines d'Iraniens en colère attaquer à coups de cocktails Molotov l'ambassade d'Arabie Saoudite à Téhéran, à l'intérieur de laquelle ils ont réussi à pénétrer. Le consulat saoudien à Mashhad, dans le nord-est de l'Iran, a également été attaqué. Ceci étant, le procureur de Téhéran a annoncé l'arrestation de 40 manifestants, tout en indiquant que l'enquête se poursuivait "pour identifier les autres responsables de cet incident". Quatre autres personnes ont été arrêtées à Mashhad. La colère en Iran ne s'est pas limitée au peuple, puisque même le président Hassan Rohani a dénoncé l'exécution du dignitaire chiite, tout en qualifiant d'"injustifiables" les attaques contre les représentations saoudiennes. Il a également expliqué que la police diplomatique a été chargée de les "protéger". Réagissant aux "déclarations agressives" de l'Iran, le ministère saoudien des Affaires étrangères a convoqué l'ambassadeur iranien, la qualifiant d'"une flagrante ingérence dans les affaires du royaume". Riyad dénie à Téhéran le droit de critiquer les exécutions en Arabie Saoudite, qu'il accuse de "fulminer au sujet des droits de l'homme", alors qu'il mène des exécutions "sans cadre légal clair" et est bien "le dernier à pouvoir accuser d'autres de soutenir le terrorisme". De son côté, Téhéran a également convoqué le chargé d'affaires saoudien au ministère des Affaires étrangères pour lui signifier sa "protestation". Il faut espérer que les échanges acerbes se limitent aux seuls canaux diplomatiques, sinon la région du Proche-Orient, très instable, plongera dans un autre conflit armé, qui pourrait lui être fatal. M.T.