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Entre les impacts néfastes sur la santé et un mode de vie subi
Pollutions sonores
Publié dans Liberté le 14 - 01 - 2016

Il y a des sujets de société qui peuvent paraître incongrus à aborder quand la destructuration sociale, l'incivisme et le laisser-faire "ordonnent" notre mode de vie : les nuisances sonores en font partie. Il s'agit, pourtant, d'un enjeu de santé publique.
Dans les cités et les villages, la journée commence par les décibels ajustés au maximum des haut-parleurs appelant à la prière et les klaxons et autres "y a flen" pour héler un ami ou un voisin du bas de l'immeuble. Puis, les quartiers entiers et les rues se transforment en vastes marchés de l'informel où les réclames le disputent aux grossièretés et insanités débitées à longueur de journées. Le reste du temps est agrémenté par le flux de la circulation automobile et, pour plusieurs d'entre nous, par les bruits des activités industrielles et des chantiers. Les activités dites de détente ne sont pas en reste. Nos fêtes sont des concours de klaxons, de bombes pyrotechniques et d'orchestres en plein air où la course au plus grand tintamarre est la marque de réussite de la soirée. Déposer plainte pour tapage nocturne auprès des services de police d'un quartier ou d'une ville relève de la gageure. Au mieux, votre plainte sera enregistrée sans jamais aboutir. Le sujet est tellement banalisé qu'aucune enquête ne lui a été consacrée ni par l'office des statistiques ni par des organismes de santé publique ou des structures étatiques.
Des préjudices avérés sur la santé
D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une exposition prolongée à des niveaux sonores dépassant 55 décibels peut provoquer de l'hypertension et des crises cardiaques. En Europe, la nocivité du bruit est érigée en principale nuisance environnementale. La législation contraint les autorités nationales à informer le public des conséquences de la pollution sonore et à le consulter sur les mesures prévues pour lutter contre ce fléau. Les citoyens peuvent évaluer l'efficacité des mesures prises pour gérer le bruit et saisir leurs élus si nécessaire. Inutile de dire que ces instruments de mesure ne sont même pas disponibles sur le marché algérien. Les principaux risques pour la santé identifiés par l'OMS vont des douleurs et fatigues auditives -l'altération de l'ouïe incluant les acouphènes, l'interférence avec le comportement social (dépression, agressivité, craintes, manque de confiance en soi...)- aux troubles du sommeil avec leurs conséquences, les effets cardiovasculaires, l'augmentation du taux des hormones de stress influant sur le métabolisme humain et sur le système immunitaire. Les diminutions de la performance au travail et à l'école vont de pair avec autant d'agressions sur les organismes.
Pour rester en Europe, où des études existent, chaque année, ces maladies sont à l'origine d'une perte en années de vie estimée à près de 1 700 000 (61 000 années en raison de maladies cardiovasculaires, 45 000 dues à des troubles cognitifs -détérioration de la mémoire, des facultés mentales, etc.-, 903 000 en raison des perturbations du sommeil, 22 000 années de vie en raison d'acouphènes, 654 000 années de vie en raison des divers désagréments provoqués par ce bruit). Une directive européenne (UE) transcrite dans le droit de la plupart des pays membres oblige les autorités nationales à établir des cartes du bruit et à adopter des Plans de prévention des bruits environnementaux (PPBE).
Même dépassée, la réglementation n'est pas appliquée
À l'instar des autres maux environnementaux comme la pollution visuelle (bâtisses "éternellement" inachevées, décharges sauvages et immondices...) ou celle de l'air, ce n'est pas faute de textes réglementaires que nos villes ne constituent plus des espaces de convivialité et que nos campagnes n'invitent plus à la villégiature.
L'article2 du décret exécutif n°93-184 du 27 juillet 1993 qui réglemente les émissions sonores dispose que "les niveaux sonores maximum admis dans les zones d'habitation et dans les voies et lieux publics ou privés sont de 70 décibels en période diurne (6 heures à 22 heures) et de 45 décibels en période nocturne (22h à 6 h)". L'article 3 précise : "Les niveaux sonores maximum admis au voisinage immédiat des établissements hospitaliers ou d'enseignement et dans les aires de repos et de détente ainsi que dans leur enceinte sont de 45 décibels en période diurne (6h à 22h) et de 40 décibels en période nocturne (22h à 6h)." Au vu de la loi, toutes émissions sonores supérieures aux valeurs limites indiquées sont considérées comme une atteinte à la quiétude du voisinage. Ce texte, au demerant insuffisant, se heurtera à une absence de logistique (stations de mesure, absence de cartes de bruit...) s'il venait à être "déterré". Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, la centralisation est nuisible. À côté d'un texte général qui prend en compte les mutations économiques et sociales ainsi que les récentes études sur le champ des nuisances (OMS...), l'impératif de cartographies locales des bruits est incontournable. Mais il faudra une volonté politique qui commence par le respect de la réglementation par les institutions étatiques elles -mêmes.
En attendant, il faudra peut-être recourir aux casques et aux oreillettes pour, comme le font beaucoup en écoutant de la musique ou tout autre discours à la mode, éviter les bruits extérieurs. Si les contrariétés voire les mauvaises surprises sont éliminées, les nuisances auditives sont, par contre, garanties.
R. S.


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