Dans la nuit de mardi à mercredi, le cabaret Khaïma, situé à l'intérieur du complexe touristique Azur Plage de Zéralda, a été attaqué et incendié. Le bilan est lourd : 7 morts et 20 blessés. Hier, la côte-ouest d'Alger était encore sous le choc. Reportage. Il est 2h du matin lorsqu'un groupe de jeunes arrive au complexe touristique Azur Plage où est situé le cabaret Khaïma. Voulant à tout prix entrer dans cette boîte de nuit, et devant le refus des agents chargés de la sécurité, ils quittent les lieux, non sans menacer de revenir pour commettre l'irréparable. Chose faite, vingt minutes plus tard, ils reviennent sur les lieux, armés de sabres, de fusils à harpon, de fumigènes et de "signaux à feu". La panique est générale et les agents de sécurité ferment les portes du cabaret pour protéger les clients qui étaient assez nombreux. Les assaillants brisent les vitres et lancent des "signaux à feu" et des cocktails Molotov. Le cabaret prend feu à plusieurs endroits. Alors que des clients, pour la majorité blessés, quittent la salle, sept personnes, dont un chanteur, deux femmes, dont une enceinte, se réfugient dans une petite pièce. Sous l'effet de l'inhalation des denses fumées, ils meurent asphyxiés, avant d'être totalement calcinés par les flammes qui ont vite gagné cette chambre. Dehors, les autres clients prennent la fuite. Il y aurait vingt blessés, dont un grièvement brûlé. Les assaillants, eux, poursuivent leur forfait et s'en prennent aux véhicules des victimes. À notre arrivée hier, aux environs de 10h, des taches de sang étaient encore là et les braises étaient encore vives. Le personnel du complexe est toujours sous le choc. Sur la scène du crime, des experts en incendies et explosifs dépêchés de l'Institut national de la criminologie et de la criminalistique (INCC-GN) relevaient les indices à l'intérieur du cabaret totalement carbonisé et sur le parking où les victimes traînaient du sang lors de leur fuite. Le bilan est lourd : 7 morts, dont 2 femmes, et 20 blessés. Le commandant de la compagnie de la GN de Zéralda, Samir Mekharif, raconte : "Nous avons reçu une communication téléphonique via le 10-55 à 2h30 du matin. Le plaignant, en émoi, nous informait que le cabaret Khaïma a été attaqué et incendié par un groupe de cinq jeunes. Nous avons déployé immédiatement nos équipes et nous avons cerné les lieux. À notre arrivée, nous avons recensé 7 morts et une personne, grièvement brûlée. Suite à quoi, le procureur de la République près le tribunal de Chéraga, qui s'est déplacé également sur les lieux, a ordonné l'ouverture d'une enquête judiciaire." Selon l'enquête préliminaire, les 7 victimes sont décédées par asphyxie. Tous les objets qui se trouvaient à l'intérieur du cabaret sont carbonisés. Employé dans ce complexe depuis plusieurs années, un serveur témoigne : "Ils se sont introduits au complexe à bord d'un véhicule. Ils se sont violemment attaqués au cabaret en jetant des signaux à flammes et des cocktails Molotov. Ils ne sont pas venus pour se venger d'un agent de sécurité, mais pour tuer volontairement des citoyens qui n'ont fait que sortir en boîte de nuit. Vous appelez ça du tourisme ? On appelle ça du terrorisme ! Nous sommes en 2016 et dans une Algérie libre et souveraine. Avec ce massacre, on peut dire adieu au tourisme !" Autour du complexe où nous avons également tenté d'obtenir des témoignages, des employés s'interrogent : "Où est le ministre du Tourisme ? Où est l'Etat algérien ? Aucun responsable du secteur n'a été délégué, ne serait-ce que pour témoigner que l'Etat existe pour protéger les citoyens ! Nous avons été lynchés. Il y a eu mort d'homme et le ministre du Tourisme n'a même pas daigné se déplacer à 20 km de son bureau ! Le ministre du Tourisme ne s'est même pas inquiété alors que des gens sont morts carbonisés à l'intérieur d'un complexe touristique !" Révoltés et indignés, des riverains que nous avons rencontrés sur les lieux s'interrogent si cet acte criminel n'a pas été commandité. "Le tourisme est notre seul gagne-pain. Zéralda est une côte paisible. Depuis l'arrivée de ces voyous, nous ne savons plus où donner de la tête. Une fois drogués, ils débarquent sur le littoral et dictent leur loi. Nous ne sommes pas protégés, encore moins nos commerces. L'Etat doit sévir, car sans le tourisme, il faut le dire, nous sommes morts", s'indigne un habitant qui condamne cet acte abject. Un autre résident du site, cadre de son état, estime que "cette attaque n'est pas anodine. Car, même si ces voyous ont été empêchés de rentrer au cabaret, ce qui relève des prérogatives des gérants, ils n'avaient aucune raison de tuer des innocents qui veulent savourer la vie comme ils veulent. Cet acte ignoble est digne d'un acte terroriste. J'espère de tout cœur que la justice va sévir. Après, si des gens veulent interdire les cabarets et condamner les familles à se murer, j'estime que c'est à eux de quitter ce pays. La peur doit changer de camp". Nous quittons Azur Plage avec cette dernière info : les enquêteurs de la GN ont commencé, dès 11h du matin, à auditionner des témoins. D'autant que deux des assaillants auraient été identifiés. F. B.