Douze ans après sa création, l'opérateur historique Algérie Télécom (AT) amorce un autre virage de son histoire. Il est en train de devenir un fournisseur de services à consommation de contenus. Après avoir lancé une bibliothèque virtuelle avec Fimaktabati, Algérie Télécom veut renforcer sa présence dans le secteur du contenu, en fournissant les premiers services de la vidéo à la demande (VOD). C'est son PDG, Azouaou Mehmel, qui l'a annoncé la semaine dernière sur Radio M, la webradio de Maghreb Emergent. Le premier groupe public des télécommunications veut réduire la dépendance de ses abonnés aux données du streaming vidéo hébergé à l'étranger. C'est une façon de donner un coup de force aux usages des télévisions connectées (smart TV) disposant du wifi, à l'heure où le ton de la concurrence des opérateurs 3G n'est toujours pas menaçant. Selon les propos d'Azouaou Mehmel, AT aurait déjà bien avancé le développement de la VOD censée démarrer avant la fin du premier semestre de cette année. "La télévision algérienne qui dispose d'un important catalogue sera notre premier partenaire, un fournisseur étranger devrait être sélectionné d'ici la fin de l'année en cours", a-t-il précisé. Aujourd'hui, la généralisation de l'accès à internet est un service rentable pour l'opérateur historique. Il s'accompagne du développement des contenus et des services à valeur ajoutée destinés principalement aux entreprises pour constituer l'approche de l'opérateur fixe de demain. "La généralisation de l'accès à internet, qui est le produit le plus demandé, ainsi que les services aux entreprises, alors que la voix est en déclin", a-t-il indiqué. Pour ce qui est du plan d'investissement de cette année, le premier responsable d'AT a affirmé qu'il dépassera les 40 milliards de dinars et concernera en priorité les modifications complexes et coûteuses des infrastructures réseau multidimensionnelles. "70 000 km de câbles de fibre optique ont été posés avec une cadence de 10 000 km par an pour un prix moyen qui atteint 2 ou 3 millions de dinars au kilomètre et peut atteindre jusqu'à 4 millions de dinars dans le sud du pays", a-t-il révélé aussi. La facture de la mise à niveau du réseau d'AT s'annonce donc élevée. Cependant, cette opération de modernisation de réseau ne va pas seulement préserver la rentabilité d'AT, mais elle va renforcer sa flexibilité dans le développement des TIC en Algérie. En clair, l'opérateur historique mettra la main à la poche pour poursuivre le processus de la mise à niveau de son réseau, conçu, il faut le dire, strictement pour transporter la voix traditionnelle, par le remplacement des vieux équipements par d'autres de nouvelle génération qui permettent de passer progressivement vers un réseau tout IP et aussi de répondre à la demande en haut débit des clients. Doubler la bande passante dans deux ans Ces équipements peuvent en effet, à travers la boucle locale cuivre ou carrément de la fibre optique, offrir simultanément des services de la voix commutée ou IP, des accès à large bande, des solutions audiovisuelles de type triple-play, et de la téléprésence vidéo. Toutes les options permettant d'augmenter les capacités réseaux deviennent une priorité absolue pour Algérie Télécom. À ce jour, le taux de réalisation de cet épineux processus de renouvellement des liaisons n'a toujours pas dépassé les 50%. D'où l'importance du soutien des pouvoirs publics. C'est dans cette optique que l'opérateur public réalisera cette année un emprunt bancaire important auprès d'une banque publique. Il y a aussi l'investissement dans le développement de la bande passante internationale qui demeure important. Selon M. Mehmel, deux nouvelles liaisons en fibre optique Oran-Valence et Alger-Valence vont être déployées. "Les appels d'offres ont été lancés et l'entrée en fonctionnement est prévue pour le premier semestre 2017", a-t-il dit. Par ailleurs, le décollage de la voix sur IP (VoIP) est en train de provoquer une véritable guerre entre opérateurs télécoms et fournisseurs de contenus. La gratuité des services de la VoIP offerts par des OTT, comme Skype, WhatsApp et Viber, est à l'origine de la montée en charge de la bande passante. Les opérateurs de télécoms du monde entier déplorent la mainmise des OTT sur la valeur générée par la toile et dénoncent leur position dominante estimée à plusieurs milliards de dollars en recettes publicitaires sur internet. Les performances technologiques récentes, relevées dans le domaine du codage, ont baissé les prix des équipements et ont augmenté la productivité des amateurs de Skype, WhatsApp et Viber. Ceci a engendré une augmentation du trafic internet et surtout une explosion de la consommation "datavoice" en ligne. C'est dans ce contexte que le PDG d'AT considère que les besoins des usagers évoluent très vite, à tel point que la bande passante, qui est de 505 Gbps, devra doubler d'ici deux années. Il a aussi indiqué que son entité n'est pas concernée par la menace des OTT et n'a donc pas l'intention de bloquer l'accès à Skype, WhatsApp et Viber. F. F.