Il faut croire que les divergences entre les membres de la Ligue arabe ont atteint un seuil jamais égalé, d'où cette décision du Maroc de se désister de "son droit" d'organiser le sommet de cette instance panarabe, prévu en mars prochain. Après moult hésitations, Rabat a officialisé vendredi sa décision de ne pas accueillir le sommet de la Ligue arabe. Il n'en demeure pas moins que tous les précédents sommets de cette organisation ont été des réunions au cours desquelles les dirigeants arabes affichaient une unité de façade, d'où la question de savoir quelle est la véritable raison de ce désistement du Maroc de l'abriter. Il est difficile de croire que la décision de Rabat est uniquement motivée par ce refus d'accueillir un sommet qui a peu de chances de réussir. Ceci étant, le communiqué rapporté par l'agence de presse marocaine MAP indique que "sur instructions du roi Mohammed VI, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Salaheddine Mezouar, a informé, ce vendredi, le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, Nabil al-Arabi, de la décision du royaume du Maroc de céder son droit d'organiser une session ordinaire du sommet arabe". Cette même source souligne que cette décision a été prise "conformément aux dispositions de la charte de la Ligue des Etats arabes et sur la base des consultations entreprises avec plusieurs Etats arabes frères, et ce, suite à une réflexion consciente, responsable et engagée en faveur de l'efficacité de l'action arabe commune et la nécessité de préserver sa crédibilité". Faisant référence aux nombreux conflits dans la région, le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a justifié cette option en affirmant que "les conditions pour en garantir le succès n'étaient pas réunies". "Au regard des défis auxquels fait face le monde arabe aujourd'hui, le sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple réunion de circonstance. Les conditions objectives pour garantir le succès d'un sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies", lit-on dans le communiqué du département de Salaheddine Mezouar, annonçant le désistement de son pays d'organiser ce sommet. Ayant informé le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, de cette décision du Maroc de "céder son droit d'organiser" cette réunion, comme l'indique la même source, le ministère marocain des Affaires étrangères prend le soin d'expliquer qu'il craint que la tenue d'un sommet où les discours donneront "une fausse impression d'unité et de solidarité (...) dans un monde arabe qui traverse une période difficile", en citant notamment la guerre en Syrie et au Yémen. Cette décision du Maroc, que l'on peut considérer comme la première du genre, traduit on ne peut mieux le degré de discorde prévalant au sein du monde arabe. Les divergences sur les solutions à trouver aux conflits sanglants, dans lesquels sont plongés de nombreux pays arabes depuis plusieurs années, sont tellement profondes, qu'il est quasi impossible de rapprocher les positions des uns et des autres. Il suffit de se remémorer les conditions dans lesquelles s'était déroulé le dernier sommet de la Ligue arabe en mars 2015 à Charm el-Cheikh, en Egypte, au cours duquel les dirigeants des vingt-deux membres de l'organisation avaient affiché publiquement leurs différends, pour comprendre qu'il ne servira à rien de se réunir autour d'une table pour discuter de problèmes dont les tenants et aboutissants n'ont guère évolué. Merzak Tigrine