En janvier dernier, le gouverneur de la Banque d'Algérie soulignait que "l'impact du choc externe de grande ampleur sur les fondamentaux a induit une dépréciation de 19,5% du cours moyen du dinar contre l dollar américain entre janvier et septembre 2015, et de 2,16% par rapport à l'euro". Cette dépréciation s'est répercutée sur le renchérissement des prix à l'importation des biens, ajoutait Mohamed Laksaci. Pour se protéger contre les effets de la dévaluation du dinar, les entreprises sont tentées de répercuter la hausse du coût de leurs approvisionnements sur le prix de vente. C'est ce que beaucoup de chefs d'entreprise algériens ont déjà annoncé au cours des derniers mois, en précisant que ces augmentations de prix interviendront une fois épuisés les stocks disponibles. Cette tentation est d'autant plus forte que la dépendance vis-à-vis des produits importés est grande. "L'industrie algérienne est une industrie de bout de chaîne, une industrie de montage à faible valeur ajoutée", rappelait voici quelques semaines Abellatif Benachenhou. Cette dépendance vis-à-vis des produits importés est très forte, y compris dans des secteurs qu'on pourrait imaginer plus intégrés localement. Un acteur économique comme M. Slim Otmani nous confiait récemment que dans l'industrie des jus de fruits, très florissante dans notre pays, près de 45% des intrants sont importés. Dans le contexte de réduction du pouvoir d'achat des salariés algériens, la répercussion intégrale par les entreprises de la dépréciation du dinar sur le prix de vente ne sera cependant pas toujours envisageable et beaucoup d'entre elles risquent de devoir également comprimer leurs coûts (un processus dejà clairement signalé pour les dépenses de marketing et de publicité) ou revoir leurs marges bénéficiaires à la baisse. Des filières stratégiques en danger ? Dans un certain nombre de secteurs réputés stratégiques, cette répercussion sur le prix de vente ne sera cependant pas toujours possible. C'est le cas notamment pour l'industrie du médicament. Dans une interview récente, le président de l'Unop, M. Abdelouahed Kerrar, pointait sans aucune concession les dangers qui menacent la filière à un stade critique de son développement. Le premier concerne l'absence de révision des prix du médicament fabriqués localement qui sont figés administrativement pour une période de cinq années. "Avec les retombées négatives des fluctuations du taux de change du dinar, ce gel de nos prix équivaut à une mise à mort programmée de la production nationale", ne craignait pas d'affirmer, voici quelques semaines, M. Kerrar dans une interview à Liberté. Son prédécesseur à la tête de l'unop, le DG de Merinal, M. Nabil Mellah, souligne de son côté que "l'impact de la dévaluation du dinar sur les producteurs n'est toujours pas prise en charge par les pouvoirs publics alors que pour les produits pharmaceutiques les prix de vente sont fixes et que la création d'un marché à terme de la devise qui pourrait permettre d'amortir le choc continue à être annoncée depuis plusieurs années." Un marché à terme de la devise qui se fait attendre La création d'un marché à terme de la devise est une revendication déjà ancienne des opérateurs économiques algériens et des associations patronales. Le change à terme permet de fixer aujourd'hui un cours d'achat ou de vente de devises pour une échéance future. L'importateur, pour se couvrir contre le risque de change lié à l'appréciation éventuelle d'une devise, achète à terme les devises correspondant au montant de sa dette. Il connaît ainsi avec précision le montant en monnaie nationale qu'il devra payer. L'impact attendu est la réduction des pertes de change que subissent tous les jours les importateurs en Algérie (pertes considérables rapportées aux 50 milliards de dollars annuels du commerce extérieur de marchandises). Car, malheureusement, le risque qui a conduit à la fermeture de centaines de PME suite à la dévaluation brutale du dinar dans les années 90 demeure sans traitement. Pour ne parler que de la période la plus récente, le gouverneur de la Banque d'Algérie assurait déjà, en juin 2015, que "la Banque centrale compte prendre, au cours de l'année 2015, de nouvelles mesures pour développer le marché interbancaire des changes et promouvoir la couverture à terme par les banques de la place au profit des opérateurs." En dépit de ces annonces, on n'a rien vu venir en 2015. Le 6 janvier dernier, M. Laksaci revenait sur cette question en annonçant que son institution "envisageait d'introduire de nouvelles mesures pour la couverture du risque" sans donner plus de détails sur le dispositif envisagé et la nature de ses bénéficiaires éventuels ni sur un calendrier de sa mise en œuvre. H. H.