"L'urgence est de donner toutes les possibilités à ces enfants d'avoir le nom de leur père, de responsabiliser le géniteur et de mettre fin au côté aléatoire qui est loin du juridiquement correct", a estimé le Pr Fadhéla Chitour. La situation des mères célibataires est très difficile en Algérie. Aujourd'hui encore, la grossesse hors mariage de la femme ou de la jeune fille est mal vue par la société, qui réagit souvent avec hostilité envers la mère. Pourtant, celle-ci est avant tout une citoyenne algérienne, qui a besoin d'être aidée et protégée. Cette problématique a été discutée, avant-hier jeudi, lors d'un atelier de travail au siège de SOS Femmes en détresse, portant sur le premier "guide juridique pratique pour l'orientation des mères célibataires (MC)" et destiné à faciliter la réinsertion socioéconomique de ces dernières. Ont participé à la rencontre, les militantes du mouvement associatif, dont celles de SOS femmes en détresse, une représentante du ministère de la Santé, des assistantes sociales et des sages-femmes, ainsi que des féministes, des avocates, des auxiliaires médicaux et des journalistes. L'atelier a été l'occasion pour Meriem Belaâla, présidente de SOS femmes en détresse, de saluer l'arrivée du guide, puis revenir sur l'expérience de son association en matière d'orientation et d'accompagnement des MC et femmes en difficulté, et le lot de "problèmes" rencontrés auprès des assistantes sociales, dans les hôpitaux. L'intervenante a déploré l'absence de lois et de "protection formelle" des MC, qui sont à l'origine de pratiques enfantées par la réalité. Plus loin, Mme Belaâla s'est exprimée sur "le bon vouloir de certains responsables" citant, entre autres, le cas des DAS de Sétif et de Mila, qui refusent d'octroyer à la MC la modique allocation mensuelle de 1 200 DA destinée à l'enfant. De son côté, le témoignage du Pr Fadhéla Chitour sur l'expérience du Réseau Wassila, depuis une dizaine d'années, a mis en exergue le "vide juridique" concernant la prise en charge des MC. Mme Chitour a convenu de la ténacité du système patriarcal, révélant que ces mères "se battent pour donner à leur enfant le nom du père", bien après qu'elles eurent légué leur patronyme à leur progéniture. Pour la professionnelle de la santé, "l'urgence est de donner toutes les possibilités à ces enfants d'avoir le nom de leur père", de "responsabiliser le géniteur" et de mettre fin au "côté aléatoire qui est loin du juridiquement correct". "La famille monoparentale est en train de s'installer" Nadia Aït Zaï, juriste et présidente de la Fondation pour l'égalité entre les femmes et les hommes, a, quant à elle, confirmé l'absence de textes, sur le plan institutionnel, sur la prise en charge des MC ou des femmes en difficulté. Hormis l'ordonnance de 1967 traitant de la prise en charge de la mère en milieu hospitalier et de l'enfant abandonné, qui a été remise en cause dans les années 1980. Pour l'avocate, il n'y a pas de volonté politique, quant à "la reconnaissance" de la MC. "Quand on parle de la MC, on fait mention à l'enfant. Pourquoi passer par l'enfant pour reconnaître implicitement la mère", s'est-elle demandé, en observant que "la famille monoparentale est en train de s'installer en Algérie", un nouveau type de famille que "l'Etat doit reconnaître". Au cours du débat, beaucoup a été dit sur le "désarroi" des MC et sur les naissances hors mariage (qui sont près de 7 000 en Algérie, contre 30 000 au Maroc et entre 1 200 à 1 600 en Tunisie), mais aussi sur les pressions qu'elles subissent pour abandonner leur enfant, sur leur "peur" des maternités et sur les "disparités" entre les hôpitaux. Des participants ont appelé à "légaliser" les pratiques existantes qui protègent la MC et ses parents, qui aident et assistent les mineures. D'autres propositions ont émergé, tels notamment le droit des associations de se constituer en partie civile pour réclamer l'application de l'allocation des MC, l'organisation de l'abandon de l'enfant par la MC "légalement", le plaidoyer sur la dépénalisation de la cessation de la grossesse, puisque la grossesse d'une MC est "à haut risque" et l'ouverture de "maisons maternelles" pour héberger celles-ci et l'organisation des formations. "C'est un combat de longue haleine, car il y a un travail à faire sur les mentalités, y compris au sein des institutions", a déclaré la représentante du ministère de la Santé. Cette dernière a invité les associations à présenter les circulaires existantes, comme pour l'allocation de 1 200 DA, afin de les faire appliquer. Elle a également proposé d'"inviter les institutions à écouter les professionnels de la santé, qui sont sur le terrain". "Il y a une législation qu'on ne peut ignorer : la MC a le droit à une prise en charge sanitaire", a-t-elle soutenu, en mettant l'accent sur "la prévention", à travers les moyens de contraception. Elle a, en outre, suggéré de "signaler" les comportements incorrects envers les MC, pour réduire ce phénomène. "Nous devons travailler ensemble, pour lever toutes les contraintes", a-t-elle enfin indiqué. Le guide juridique, initié par SOS Femmes en détresse, a vu le jour, pour rappel, début février 2016. La brochure a été réalisée par l'avocate Aïcha Zinaï et une formatrice d'assistantes sociales, Ouarda Pagès, pour le compte de l'association SOS Femmes en détresse. Elle s'inscrit dans le cadre du projet "pour une meilleure insertion sociale et professionnelle des mères célibataires au Maghreb", lancé en 2013 pour une durée de 4 ans, et financé par l'UE et l'Agence française de développement. H. A.