La séance du vote de confiance du Parlement reconnu de Tobrouk sur le gouvernement d'union, qui devait se tenir lundi, a été reportée pour la quatrième fois consécutive, faute de quorum. De nombreux députés ont refusé d'assister à cette réunion, car ils rejettent ouvertement l'exécutif proposé par le chef du Conseil présidentiel, Faïz Serradj, dans le cadre de la mise en œuvre de l'accord de paix onusien, signé à Skhirat (Maroc) le 17 décembre 2015. Officiellement, c'est l'attribution du portefeuille de la Défense qui fait l'objet de frictions entre la parlementaires de Tobrouk, tout comme il suscite une vive réaction chez les autorités parallèles et non reconnues de Tripoli. Fajr Libya, qui contrôle Tripoli et une grande partie de l'Est libyen, est contre l'implication du controversé ancien général à la retraite Khalifa Haftar dans la prochaine étape du processus de transition. Cet ancien ténor du régime déchu de Mouammar Kadhafi est accusé de servir ses intérêts personnels et d'être un agent des Etats-Unis, en raison de ses relations passées avec Washington. Mais Khalifa Haftar est loin de constituer le seul élément de blocage dans le processus onusien. Du temps de l'ancien régime de Tripoli, le défunt colonel Kadhafi n'a pas institué les bases d'un Etat moderne, mais il a toujours joué la carte tribale pour garder le pouvoir. C'est, d'ailleurs, l'une des raisons qui ont conduit le pays au chaos, au lendemain de sa chute, fin 2011, après l'intervention occidentale sous le couvert de l'Otan. C'est pourquoi, aujourd'hui, l'envoyé spécial de l'ONU, Martin Kobler, et son prédécesseur Bernardino Leon éprouvent du mal à rassembler toutes les sensibilités politiques et les chefs de tribus qui, comme les chiffres le montrent, dispose chacun d'une milice lourdement armée, dont l'alliance avec les autres se noue et se dénoue au gré des intérêts du moment. Sur le terrain militaire, la menace terroriste de la branche libyenne de l'organisation autoproclamée Etat islamique (Daech) ne semble pas effrayer les acteurs libyens. Il est vrai que la présence de Daech en Libye se limite, actuellement, à Syrte, avec quelques vaines tentatives d'implantation dans d'autres cités comme Derna et Benghazi, dans le nord-est et Sebratha, dans le nord-ouest frontalier avec la Tunisie. L'échec de Daech de prendre le contrôle de ces villes, et, de pénétrer à l'intérieur de ce qui est appelé l'Arc pétrolier, qui s'étend de Benghazi à Syrte et sur plus d'une centaine de kilomètres à l'intérieur du pays, a démenti l'alarmisme des médias occidentaux sur l'expansion de cette organisation en Libye. Cela expliquerait, peut-être, cette prise de risque des députés de Tobrouk, qui consiste à vouloir gagner du temps, tout en misant sur une victoire militaire de Haftar contre Daech et Fajr Libya (formé d'une coalition de milices hétéroclites). Mais le temps presse et le climat d'instabilité en Libye menace plus que jamais la survie du voisin tunisien et la sécurité des deux autres voisins algérien et égyptien. Pour l'Europe, principalement l'Italie, la résolution politique de la crise libyenne est le seul garant d'une victoire contre Daech qui menace également l'avenir du Vieux Continent. L. M.