Le rapport sur le développement dans le monde, de l'année 2002, publié par la Banque mondiale, consacre un chapitre complet (chapitre 10) au rôle des médias dans la libre circulation de l'information et sa conséquence sur le développement économique et social. Mahatma Ghandi, cité dans ce rapport disait : “L'un des objectifs de la presse est de comprendre les sentiments de la population et de s'en faire l'écho ; un autre est d'éveiller en elle des sentiments louables ; un troisième est d'exposer sans crainte les défauts dont elle souffre.” On commence de plus en plus à comprendre que “le développement peut être appréhendé comme un processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus”. Voici l'avis d'un prix Nobel d'économie sur cette question (1): ”On n'a jamais déploré de famines dans un pays indépendant doté de structures démocratiques et d'une liberté - même relative - de la presse. Les famines sont associées aux royaumes traditionnels dans l'histoire, et aux sociétés autoritaires dans le monde contemporain ; aux communautés tribales primitives et aux dictatures technocratiques ; aux économies coloniales soumises aux puissances impérialistes occidentales et aux nouveaux Etats indépendants du Sud qui sont placés sous le régime de despotes ou de partis uniques. Elles n'apparaissent jamais dans un pays indépendant où des consultations électorales sont organisées, où des partis d'opposition expriment leurs critiques et où la presse rend compte de la situation et peut mettre en cause le bien-fondé des orientations gouvernementales sans subir une censure excessive.” Le rapport de la Banque mondiale cité confirme (2): “On constate que lorsque l'Etat a le monopole de l'information ou exerce un large contrôle, les médias ne peuvent pas influer aussi efficacement sur l'action des pouvoirs publics. L'analyse de 97 pays de l'échantillon montre que, dans les pays où l'Etat détient une part importante du capital, les médias sont beaucoup moins libres à en juger par les indicateurs de la liberté des médias ; ils communiquent par ailleurs beaucoup moins d'informations aux acteurs économiques et politiques. On observe en outre une corrélation négative entre un régime de propriété publique et la performance du pays aux plans économique, politique et social. La propriété de l'Etat va généralement de pair avec plus de corruption, une économie moins bien gérée, des marchés des capitaux moins développés, des droits politiques restreints pour les citoyens et des résultats sociaux médiocres en matière d'éducation et de santé.” Toutes ces vérités bien connues de tous prennent une autre ampleur lorsqu'on les place dans le contexte de la dimension culturelle de mondialisation. La mondialisation se manifeste dans le domaine culturel par les médias et le village global, qui imposent un style international standardisé et orienté vers la consommation et la distraction, qui nous submergent quotidiennement d'informations sans importance, qui nous font vivre les événements mondiaux sur le mode de l'émotion et enfin qui imposent à tous des mots d'ordre, des idées, des priorités, mis à la mode, telles la transparence, la privatisation, la bonne gouvernance… Une presse nationale libre est un excellent filtre pour trier pour ses lecteurs dans ces quantités d'informations envahissantes. Le nombre de téléviseurs par 1000 habitants est passé de 105 à 225 entre 1980 et 1997, mais de 25 à 153 dans les pays en développement. Les effectifs scolaires sont passés de 250 millions en 1950 à 1 150 millions en 1997. Ils ont été multipliés par 14 dans l'enseignement supérieur. Le marché des logiciels éducatifs est passé de 2,3 milliards US$ en 1996 à 6,2 milliards US$ en 2000. Le commerce mondial des biens culturels a évolué de 95 milliards US$ en 1980 à 387 milliards US$ en 1998. Le tourisme devient de plus en plus globalisé. Dans un tel contexte, la culture apparaît comme un secteur d'activité économique porteur de richesse matérielle et de croissance en plus de sa dimension strictement culturelle et de sa capacité d'influence sur les comportements des citoyens. La révolution technologique qui a réussi à faire converger des services capables de manipuler la parole, le texte, I'image fixe, l'image animée et les données, offre aux individus d'immenses capacités d'acquisition, d'assimilation et de transmission des connaissances. L'amélioration de l'instruction, la diminution des coûts d'impression et l'apparition de nouvelles technologies de diffusion, comme l'Internet, permettent aux médias de jouer un rôle crucial dans l'éducation et l'information des citoyens. C'est conscient de ces enjeux que je me suis imposé, pendant mon passage au gouvernement, l'obligation de rencontrer une fois par trimestre les responsables de la presse nationale avec pour objectif: (I) prise de contact pour apprendre à mieux se connaître, (II) proposer une grille de lecture de l'action gouvernementale, (III) recueillir les observations et les suggestions, particulièrement en ce qui concerne le secteur de la presse. De même que l'animation de deux émissions en direct à la télévision, en langue nationale à la chaîne première, en langue française à la chaîne par satellite. Il faut enfin noter que la liberté de la presse est le meilleur outil de lutte contre la corruption, en période de transition, lorsque les institutions spécialisées ne sont pas encore opérationnelles. Terminons par cette dernière citation du livre de AMARTYA SEN : “Aujourd'hui, pour la planète tout entière, le déf¦ politique ne se réduit pas à remplacer des régimes autoritaires par la démocratie. La tâche va bien au-delà : elle consiste à faire fonctionner la démocratie pour des gens ordinaires. À jeudi prochain pour une autre question, meilleurs vœux de bonheur et d'excellente santé pour nos lecteurs et meilleurs vœux pour le redressement de l'Algérie. Entre-temps travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.