Paradoxalement, la conjoncture actuelle a des aspects positifs : elle permet de diversifier les sources de financement de l'économie. L'Algérie est de plus en plus confrontée à un nouveau contexte économique. La rareté annoncée des ressources financières oblige, de façon croissante, les pouvoirs publics à explorer d'autres horizons que celui du seul financement budgétaire. En clair, l'Etat algérien va donc être contraint de s'endetter. Outre le très controversé endettement externe, l'alternative pourrait être constituée par le recours à l'épargne des ménages et les capitaux privés nationaux. Pour Yassine Benadda, économiste et président du cabinet de consulting A.M. Experts Djazaïr, "le développement de l'épargne à long terme des ménages et les capitaux privés en Algérie se justifient parfaitement" parce qu'au-delà de la nécessité actuelle de rechercher de nouveaux financements palliatifs à la rente pétrolière, "cette externalité positive en théorie a l'avantage de permettre d'encourager les investissements indispensables à la croissance et à la compétitivité d'un pays, de diversifier les modalités de financement de l'économie, de favoriser une politique de l'offre qui permet de moderniser la stratégie économique de l'Algérie, de contribuer à stabiliser le système financier et d'assurer à long terme notre protection sociale." Il ajoute que "si les pouvoirs publics arrivent à diriger de façon efficiente cette épargne et ces capitaux afin de financer le développement économique à travers le financement des entreprises ou de projets d'infrastructures rentables, cela pourrait permettre de créer des emplois, de stabiliser le régime de retraite et d'amorcer un cycle vertueux de développement." Néanmoins, la mise en œuvre de cette externalité positive n'est pas chose simple en Algérie, précise-t-il. Il explique que "le comportement d'épargne des ménages ou des investisseurs privés est déterminé par les données psychologiques, sociétaux, voire religieux, de leur environnement économique et financier ainsi que de l'offre de supports d'épargne ou d'investissement." Pour lui, méconnaître ou minimiser ces dimensions pourrait engendrer des interférences contre-productives et grever l'efficacité d'une politique qui permettrait de financer le développement et plus particulièrement "dans un contexte de défiance dans les institutions du pays, dans un climat macroéconomique morose et avec des perspectives à long terme qui se sont largement obscurcies." L'expert affirme que l'incertitude économique est peu propice à l'engagement long et cela pour l'ensemble des acteurs, y compris les épargnants. En d'autres termes,"le climat actuel du pays et le manque de réforme encourage, au jour d'aujourd'hui, des comportements d'épargne dirigés vers la recherche de liquidité plus que vers le long-terme." Par ailleurs, la culture financière des investisseurs dans notre pays est très peu développée, plus particulièrement chez les ménages qui, pour la grande majorité d'entre eux, ignorent ce qu'est une obligation ou un dividende, ainsi que le fonctionnement des produits plus complexes que les livrets ou l'assurance vie, ajoute-t-il. Pour lever ces freins, le président de A.M. Experts Djazaïr plaide, entre autres, pour la mise en œuvre des politiques publiques qui rassurent l'investisseur ou l'épargnant sur les perspectives à long terme ainsi que sur la capacité à rendre liquide ou à rembourser l'investissement ou l'épargnant. S'agissant du financement interne il faut mettre en place des mécanismes ou des garanties qui compensent les dévaluations ou l'inflation trop importante. Enfin il évoque la nécessité de faire de la pédagogie vis-à-vis de l'épargnant et des entrepreneurs pour vulgariser et lever les méfiances. S. S.