Le turnover est un problème dont souffrent beaucoup d'entreprises. Il devient encore plus préoccupant quand il concerne des jeunes diplômés et compétents. Faire face à cette hémorragie est possible si on sait faire évoluer l'organisation du travail. Embaucher et retenir les meilleurs talents est une préoccupation permanente des entreprises. En particulier lorsque celles-ci sont confrontées à une compétition intense. Il s'agit là d'un problème auquel même les entreprises dotées de politiques évoluées de gestion des talents n'ont pas de réponse efficace ; et cela, malgré les conditions de travail exceptionnelles et les hauts salaires qu'elles pourraient offrir. Cette difficulté est accentuée lorsqu'elle concerne les "jeunes loups" de l'entreprise : des jeunes diplômés très compétents, qualifiés souvent ayant de "hauts potentiels". Or, de plus en plus, c'est cette population qui frappe massivement aux portes des entreprises. Une population qui a des exigences nouvelles par rapport à leurs aînés : ses membres souhaitent gravir plus vite l'échelle hiérarchique, trouver un environnement de travail plus motivant et, plus important encore, n'ont pas l'intention de faire de vieux os dans l'entreprise. Autrement dit, ils sont beaucoup plus portés vers la mobilité en changeant plus facilement d'entreprise. Le coût de cette mobilité est lourd. On estime en effet qu'il faut en moyenne 6,2 mois à une jeune recrue pour être rentable (1). Comme sa durée moyenne dans l'entreprise est de trois années, il ne reste que deux ans et demi pour en tirer un bénéfice. Ce qui est bien peu ! Raffiner les méthodes de recrutement, offrir des modes de rémunération attractifs, investir dans l'amélioration des conditions de travail sont des initiatives auxquelles les entreprises qui emploient beaucoup de jeunes talents ont souvent recours. C'est le cas, par exemple, de sociétés comme Google, Yahoo ou Microsoft. Mais, paradoxalement, ces entreprises sont en même temps parmi celles qui souffrent le plus du phénomène de mobilité de leurs "Young guns", terme qui aux USA désigne les jeunes loups. La solution n'est donc pas seulement dans le choix des meilleurs profils ni dans les avantages matériels. Dans un papier paru en janvier dernier dans la revue Strategy & Business, Katherine Dugan, consultante dans le cabinet Strategy&Business, propose une approche qui paraît plus efficace. Selon elle, la solution réside dans le recours au travail en équipe (2). Les vertus du travail d'équipe ont été mises en lumière à partir des années 90, notamment à la faveur des travaux de Jon Katzenbach, K. Dugan suggère que le travail en équipes est particulièrement bien adapté aux attentes des jeunes talents. Car c'est dans ce type d'organisation du travail qu'ils s'épanouissent le mieux et sont plus productifs, ce qui augmente en même temps leur fidélité à leur entreprise. À cet égard, elle insiste en particulier sur trois pratiques managériales-clés. D'abord, promouvoir le leadership partagé. Autrement dit, offrir aux jeunes talents la possibilité de diriger eux-mêmes certains projets ; le management jouant le rôle de facilitateur ou de coach. Deuxièmement, favoriser au maximum l'engagement émotionnel. Il s'agit d'insuffler aux jeunes talents le sentiment d'un but partagé en leur montrant qu'ils sont partie prenante d'un objectif grandiose. Pour cela, le management devra être suffisamment préparé à gérer l'intelligence émotionnelle. Enfin, suivant les recommandations de son collègue Jon Katzenbach, K. Dugan insiste sur la nécessité d'une grande flexibilité dans le travail d'équipe. Il s'agit d'adapter la configuration des équipes aux contextes particuliers rencontrés dans l'entreprise. Chacun sait que la mobilité des jeunes talents dans les entreprises algériennes est particulièrement élevée. En outre, celles-ci recrutent de plus en plus de jeunes diplômés – issus des grandes écoles ou de l'université – dont les attentes ne sont pas très différentes de celles de leurs collègues dans les pays industrialisés. Une fois dans l'entreprise, ils se trouvent plongés dans un environnement de travail souvent traditionnel, du type bureaucratique, parfois même toxique, où leurs tâches, trop parcellisées, ne leur paraissent pas contribuer à la réalisation d'un quelconque dessein. Cela se vérifie aussi bien dans la grande entreprise que dans nos PME et start-up. En outre, dans ces dernières, le caractère encore très familial du management accentue davantage le sentiment de désaffection des jeunes talents vis-à-vis de leur entreprise, dont ils ne perçoivent pas clairement la vision. Introduire le travail en équipe paraît donc une option à considérer sérieusement par les dirigeants d'entreprises s'ils veulent tirer le plus grand bénéfice du potentiel de nos jeunes talents. S. S. 1 - Cf. The Fisrt 90 Days. Michael D. Watkins. HBR Press. 2013 2 - Teaming with Young Guns. Strategy & Business. January 13, 2016.