En visite de travail dans la capitale algérienne, le maire de Milan, Giuliano Pisapia, a aimablement sérié, dans cet entretien exclusif, l'essentiel des perspectives de coopération entre Alger et Milan. Liberté : Monsieur le maire, peut-on savoir dans quel cadre s'inscrit votre visite à Alger ? Quels sont ses objectifs ? Giuliano Pisapia : Dans le troisième millénaire, les relations entre les grandes villes du monde sont de plus en plus protagonistes. Il est donc important que deux métropoles comme Alger et Milan coopèrent étroitement, dans le respect de leurs réalités respectives. Il en découle une connaissance réciproque toujours croissante, entre les institutions et entre les citoyens avec les cultures, les traditions et les religions même différentes. Maintenir le dialogue constamment ouvert entre les villes aide en particulier dans les moments de crise entre les gouvernements. Des crises qui malheureusement ne font pas défaut dans le monde d'aujourd'hui en quête de nouveaux équilibres. Je crois en la "diplomatie des villes". Et je suis certain qu'Alger et Milan, fortes de leur histoire et culture dans la région méditerranéenne, feront encore un beau parcours ensemble. Pour le bien de leurs citoyens et des pays respectifs. Giuliano Pisapia, le wali d'Alger a d'ores et déjà signé un accord de partenariat avec Milan pour renforcer la coopération économique, culturelle et scientifique entre les deux villes. Alger est particulièrement intéressé par la coopération dans les domaines du développement urbain, le tourisme et l'enseignement universitaire. Peut-on connaître l'état d'avancement de la mise en œuvre de cet accord ? La première étape de notre coopération a été la signature du Pacte de politique alimentaire urbaine de Milan, en octobre dernier, auquel le wali d'Alger Abdelkader Zoukh a participé aussi tout comme les représentants de 120 métropoles du nord et du sud de la planète, représentant plus de 500 millions de citoyens. Ce premier pacte entre les maires pour les politiques alimentaires urbaines durables est l'un des héritages concrets de l'Expo Milano 2015, un grand évènement d'envergure mondiale consacré aux thèmes de la sécurité alimentaire et du développement durable et auquel l'Algérie a participé avec beaucoup de succès. Ainsi Milan et Alger font désormais partie d'un réseau de villes qui continuera à œuvrer – avec leurs institutions, entreprises et universités – notamment par l'échange des meilleures pratiques pour le droit à une alimentation saine pour tout le monde et la lutte contre le gaspillage pour un développement durable et un monde plus juste. La deuxième étape importante est cette mission institutionnelle dans laquelle je suis accompagné par le conseiller municipal chargé de l'urbanisme, ancien vice-recteur de l'Ecole polytechnique de Milan, université d'excellence mondiale. Il y aura aussi les représentants des entreprises municipales qui exercent dans les secteurs qui intéressent davantage Alger. Il s'agit des entreprises qui contribuent à la construction de la Smart City Milano qui représente déjà un modèle de référence en Italie et en Europe, en particulier pour le développement urbain durable, pour la gestion d'une mobilité "intelligente" et des déchets. Je suis sûr que nous lancerons des projets d'intérêt mutuel. La Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci) et la Chambre de commerce et d'industrie de Milan entretiennent de bonnes relations, en ce sens que plusieurs délégations d'hommes d'affaires et d'investisseurs italiens ont visité l'Algérie où ils ont eu des contacts importants avec des opérateurs économiques algériens, en vue d'un partenariat mutuellement avantageux. Y a-t-il eu des projets de partenariat qui ont pris forme à l'issue de ces échanges bilatéraux ? En 2015 l'Italie est redevenue le premier partenaire commercial de l'Algérie, grâce aussi à la contribution de Milan et de la région milanaise, qui sont responsables pour le 10% du PIB national. Ce qui a été mis en place sur le plan de la collaboration entre les entreprises, notamment dans le cadre de l'Expo, a porté ses fruits. Milan a toujours regardé vers la rive Sud de la Méditerranée avec amitié et ouverture. En tant que centre financier et économique, elle se propose depuis des années comme un pont entre l'Europe du Nord et l'Afrique au Nord et au Sud du Sahara. Dans le monde d'aujourd'hui les ponts sont importants, pas seulement pour renforcer les relations économiques. C'est aussi pour cela que j'ai accepté avec plaisir l'invitation de monsieur le wali d'Alger. Quelle appréciation faites-vous du marché algérien et des opportunités d'investissement qu'il offre ? Les grands plans d'investissement de l'Algérie pour les années à venir sont très intéressants. Ils pourront mettre l'essence dans le moteur d'un partenariat stratégique avec l'Italie, demeuré actif même dans les périodes les plus difficiles, dans les secteurs les plus importants de l'économie : pas seulement les hydrocarbures, où il y a une collaboration historique, mais de plus en plus la mécanique, l'automobile et les biens intermédiaires. Milan veut être toujours plus protagoniste de ce partenariat, forte de son rôle de guide dans la modernisation en cours de l'économie italienne. Forte des excellences de son territoire riche d'universités et d'un tissu industriel de petites et moyennes entreprises souvent leaders mondiaux dans leurs secteurs, en particulier la green economy, la ville est aujourd'hui un pôle reconnu d'attraction d'investissements étrangers dans les secteurs de l'industrie et des services. Sur le plan du tourisme aussi, elle recueille les fruits de ses politiques d'attraction avec une hausse significative des flux d'arrivées du monde entier. En 2015, Milan a été définie par la presse internationale "l'endroit où il faut être en 2015". Aujourd'hui, nous œuvrons afin qu'elle le demeure encore en 2016 ainsi que dans les années à venir. Et nous sommes prêts à partager nos meilleures pratiques avec Alger. Un mot pour conclure ? Trois mots : internationale, innovante, inclusive. Une ville qui construit ses nouveaux et élégants gratte-ciel à côté des vieux quartiers, dans un mélange fascinant. Celle-ci est ma Milan qui, tout comme Alger, construit son avenir sans oublier le passé. ENTRETIEN REALISE PAR : BADREDDINE KHRIS