Originaire du quartier des Asphodèles à Benaknoun, la carrière de Abderrahmane Krimat était toute tracée; ayant fait des études de marketing-management ,il passera sept années dans ce milieu, avant de se convertir par le plus grand des hasards, vers le cinéma. Ce parcours cinématographique commence lorsqu'un ami lui offre une caméra qui lui fera découvrir sa passion pour le cinéma. Une passion qui ne le quittera plus, malgré les nombreuses difficultés rencontrées lors de la réalisations de ses projets: manque de moyens, de subventions, de matériel. Il ne se décourage cependant aucunement, et continue à faire le métier qu'il aime, avec ses propres économies. Quelques jours seulement après avoir été primé au festival du documentaire "L'ici et l'ailleurs" en France, Abderrahmane Krimat est revenu, dans cet entretien accordé à Liberté-Algérie.com, sur ses débuts de réalisateur, sa réaction quand il a reçu le prix " Mention du regard" pour son court-métrage, "Une simple visite" , ainsi que sur ses futurs projets cinématographiques.
Liberté-Algérie.com: Comment êtes-vous devenu réalisateur cinématographique? Abderrahmane Krimat : Ma formation de base c'est Marketing-Management, je faisais un peu de photo et de la poésie auparavant, mais le déclic est venu lorsqu'un ami m'a présenté un appareil de mixage d'audio et d'image. Aux Asphodèles ( son quartier ndlr) où il y avait un centre national de production cinématographique, Vous avez été primé il y a quelques jours au festival documentaire "L'ici et l'ailleurs" en France, pour votre court-métrage" Une simple visite". Pouvez-vous nous raconter cette expérience? Au début je ne voulais pas y aller, car j'étais bloqué par des obligations ici. Mais je ne m'attendais pas à recevoir le prix sincèrement. C'était également intéressant de voir des festivals à l'étranger où des professionnels gèrent leur propre évènement, c'était très bien organisé. Il m'ont d'ailleurs invité à une rencontre avec des écoliers de la région, c'était vraiment une bonne expérience. La réalisation d'"Une simple visite" était une immersion totale dans le quotidien de familles nomades du Sud-Ouest de l'Algérie. Le tournage était-il difficile? Tous les documentaires sont difficiles, on ne peut pas tout prévoir, il y aura tous le temps des imprévus. La spécificité de ce court-métrage "une simple visite" est qu'il a été tourné en seulement trois jour. J'ai fait la connaissance de la première famille nomade la veille du début du tournage, et être étranger posait problème. J'ai dû aussi tourner ce documentaire seul sans équipe avec moi, pour ne pas perturber cette famille. D'ailleurs, le chef de cette dernière s'arrêter de parler dès que j'allumer mes appareils. Cependant la deuxième famille que j'ai rencontrée était très intéressante. Cette expérience m'a aussi permis d'en savoir plus sur ce mode de vie. J'avais des préjugés sur cette communauté avant le tournage, mais en voyant leur quotidien, leur accueil, leur philosophie, c'était le déclic, j'étais vraiment impressionné. C'est à partir de là que je me suis dit, c'est un droit d'image, et qu'il faut que je parle de cette tradition qui est sur le point de disparaître. Vous n'êtes pas très médiatisé en Algérie, est-ce que c'est un choix de votre part? Exactement (rires), je ne parle pas de moi généralement, pourtant j'ai fait du marketing. Je ne sais pas vendre quoi ! Et la promotion? On peut assurer la promotion quand on a qu'une seule œuvre, mais dès qu'on en a trois ou quatre, ça devient difficile. Je n'ai pas d'équipe avec moi, je dois donc assurer à moi seul l'écriture, le repérage, le montage, c'est très difficile pour moi d'assurer la distribution dans ces conditions. J'ai réalisé "Une simple visite " dans le cadre des ateliers de BéjaïaDocs, mais pour les deux autres (Tajmaât face aux changements et la Présence de l'absent NDLR), j'ai dû tout assurer moi-même. Vos documentaire "Une simple visite" et "Tajmaât face aux changement" justement, traitent de la disparition des traditions et de la culture en Algérie? pourquoi l'attrait pour ce sujet? Effectivement, moi je travaille sur ce qui est disparu ou sur le point de l'être. Je considère que le passé donne naissance au présent, tout ce que nous faisons dans le passé se répercute dans le présent. Je suis attiré par les choses qui sont sur le point de disparaitre, car c'est une façon pour moi de laisser une trace à cette perdition. Il y a des choses dans la tradition qu'il faut absolument enlever, et d'autres dans la modernité auxquelles il ne faut absolument pas toucher. "Tajmaât face aux changements "est sorti en 2011, puis en 2013. Pourquoi avoir attendu deux années afin de le compléter? La réalisation de ce documentaire était une historique dans de cette assemblée de sages dans un village de Kabylie que j'ai tourné en 2010. Ce village a abandonné son assemblée en 1997,puis a tenté de la restituer en 2010. Je l'ai complété en 2011 en montrant la transition entre les anciennes assemblées et les nouvelles organisations du village, avec la naissance d'une nouvelle organisation culturelle et sportive. Les villageois ont essayé de se rassembler par de nouvelles organisations parce qu'ils n'ont pas pu le faire par le biais de la tajmaât. Pourquoi ne pas passer aux longs-métrages? Pour les longs-métrages, il faut des fonds, et comme j'utilise mes propres économies pour réaliser mes œuvres, je reste pour le moment sur les courts, mais peut-être dans le futur. Vos futurs projets? Je suis actuellement en plein montage d'un autre court-métrage, qui parle de la conscience, de la mémoire, et comment nous abordons les problèmes actuels. Entretien réalisé par Yasmine AZZOUZ @YasAzzouz