Masilva haussa les sourcils tout en penchant sa jolie tête blonde sur le côté. Elle regarda sa cousine Warda. Celle-ci lui parlait de son travail d'experte en comptabilité. -Je me demande pourquoi tu ramènes toujours du travail à faire à la maison, comme si les huit heures que tu y consacres le jour ne suffisaient pas pour te fatiguer ? Masilva fit la moue et ne dit rien. Elle ne pouvait pas donner d'explications. Elle ne voulait pas lui dire que si elle se donnait à fond ainsi, c'était pour oublier une partie de son passé. -Tu n'as pas pris de vacances depuis deux années au moins, poursuit Warda. Si tu m'écoutais, tu partirais te reposer à la campagne, chez nos oncles ! Cela te changerait... Tu n'aurais plus cette mine de condamnée innocente ! Vraiment Masilva, tu as besoin de t'éloigner de l'atmosphère d'Alger. Tu n'as pas l'impression d'étouffer, parfois ? -Si, avoua Masilva en pâlissant légèrement. Mais je ne peux pas bouger d'ici ! -Qu'est-ce qui te retient ? l'interroge la cousine, curieuse. Jamais elles n'avaient eu de vraies conversations, faites de confidences et autres. -Ne me dis pas que tu as un ami ! Car tu n'es jamais sortie avec quelqu'un, à ma connaissance ? -Avant, murmura Masilva en détournant son regard. C'était avant que je ne vienne m'installer ici... Tes parents ont été très gentils de m'avoir recueillie ici ! Je leur serais reconnaissante toute ma vie ! Ils m'ont sauvée... -C'était leur devoir, dit la cousine en haussant les épaules. -Oui mais de me garder aussi longtemps, remarque Masilva. Deux années déjà... La jeune femme regarda autour d'elle cette chambre meublée avec un bureau rien que pour elle. -J'ai l'impression d'être avec ma famille, murmura-t-elle, émue. -Mais tu es avec ta famille, rectifia Warda. -Je sais, dit Masilva. Ils sont aussi gentils et aussi soucieux que les miens... Mes parents me manquent beaucoup ! -Chose normale. Mais ce qui compte, c'est que tu sois en sécurité, n'est-ce pas ? Tu as de leurs nouvelles ? Masilva pose les yeux sur le téléphone portable qu'elle avait récemment acheté. Elle les appelait régulièrement. Elle savait qu'ils allaient bien. -Ton ami habite Alger ? -Non, il vit à l'étranger, mais quand il est de passage au bled, nous nous voyons ! -C'est celui qui t'appelle la nuit ? insiste Warda, sachant qu'une pareille occasion ne se présenterait pas avant longtemps. Masilva eut l'ébauche d'un sourire. Un court instant, Warda crut voir briller des larmes dans ces yeux. -Oui, c'est bien lui. Il m'appelle aussi à mon travail quand il le peut. Son métier de journaliste n'est pas de tout repos ! -Il est journaliste ! s'écrie Warda. Tu as de la chance ! Comme j'aurais aimé en connaître un ! Ces yeux brillaient d'envie et cela n'échappa pas à Masilva. Elle comprenait sa cousine qui avait atteint la trentaine sans avoir eu de petit ami. Pas un prétendant à l'horizon. Pourtant, c'est une belle brune. Très charmante... Mais Masilva était un peu gênée quand elle sortait avec elle, car, elle était le point de mire des regards d'hommes et de femmes. Au point où bien des fois, sa cousine la boudait. Elle ne lui pardonnait pas d'être plus belle qu'elle, d'être devenue, au fil du temps, la préférée à la maison. Ses parents la considéraient comme unique. Masilva avait essayé de s'effacer pour que sa cousine ne soit pas jalouse d'elle, rien ne pouvait changer la situation. À sa grande déception... (À suivre) A. K.