Avant même d'avoir foulé le sol italien, où il est arrivé hier pour une visite officielle, le président égyptien s'est empressé d'offrir ses services aux Occidentaux, pour «garantir la sécurité d'Israël, combattre le terrorisme et protéger la minorité chrétienne». En contrepartie, le militaire veut un soutien à son régime et plus d'investissements européens dans son pays. Rome (Italie) De notre correspondante Le chef de l'Etat égyptien, Abdel Fatah Al Sissi, n'a pas été par mille chemins pour faire comprendre à ses hôtes italiens qu'il est prêt à satisfaire Américains et Européens pour «garantir la sécurité d'Israël» dans l'hypothèse de la proclamation d'un Etat palestinien. La formule de l'homme est surprenante : «Substituer l'armée égyptienne aux soldats de l'Etat hébreu, dans les territoires palestiniens pour rassurer les Israéliens.» «Nous sommes prêts à envoyer des forces militaires à l'intérieur d'un Etat palestinien. Nous aiderions la police locale et rassurerions les Israéliens par notre rôle de garant. Pas pour toujours, bien sûr. Pour le temps nécessaire à rétablir la confiance. Mais d'abord doit exister un Etat palestinien où envoyer des troupes», a-t-il ajouté à ce sujet. Au journaliste du quotidien italien Corriere Della Sera, qui, à partir du Caire, a recueilli ses déclarations et qui lui demande s'il a proposé cette «solution» aux parties concernées, Al Sissi répond, péremptoire : «Bien sur, j'en ai parlé à Netanyahu !» Le journaliste insiste et lui demande s'il en a parlé aux Palestiniens, Al Sissi laisse tomber : «Oui, je leur en ai parlé.» Le responsable égyptien n'ignore pas que Rome est devenue depuis des années le meilleur allié européen de Tel-Aviv et compte profiter de cette alliance et tirer l'eau à son moulin. La lutte contre le terrorisme, phénomène qui inquiète beaucoup les chancelleries européennes, est l'autre joker que Al Sissi veut jouer d'une main de maître avec ses interlocuteurs romains, en les persuadant que sa politique dans la région est la plus apte à endiguer cette déferlante de violence. Son analyse est d'une simplicité désarmante : «L'ISIS est une face seulement d'un même phénomène. Toutes ont en commun une idéologie identique. (...). Pour combattre le terrorisme, il faut lutter contre la pauvreté, qui facilite le recrutement.» Clair et direct, le président égyptien demande à l'Italie, «en tant que présidente de l'Union européenne, d'expliquer aux Européens ce qui se passe en Egypte» et de soutenir son régime. Ensuite, l'homme fort du Caire, aborde le conflit en Libye et regrette que «l'OTAN n'ait pas fini sa tâche dans ce pays». Il appelle les Européens à fournir des armes à l'armée régulière de Tripoli et dément toute intervention militaire de l'Egypte en Libye. Halte au Vatican Al Sissi, qui a rencontré les chefs des institutions italiennes, sera reçu au Vatican, aujourd'hui, par le pape François, avec qui il s'entretiendra notamment des conditions des chrétiens en Egypte. A ce propos aussi, le responsable égyptien veut rassurer son vis-à-vis sur la justesse de sa politique pour garantir à cette minorité la liberté de culte et la sécurité. Dans son pur style de charmeur intéressé, Al Sissi résume ses relations avec les Occidentaux en ces termes : «Avec les Américains, les choses sont revenues au beau fixe (...) J'ai effectué une visite en Russie et je compte aller bientôt en Chine.» Enfin un clin d'œil aux Italiens : «Mais, je veux davantage de l'Europe…» A propos de la féroce répression qui a frappé les opposants à son régime, notamment le mouvement des Frères musulmans, le président égyptien réduit cette épineuse question à une affaire de justice et jure ne pas vouloir «interférer avec ce processus». Dommage que le journaliste n'ait pas insisté sur la permanente violation des droits de l'homme en Egypte, la torture des détenus politiques et les décès fréquents de certains d'entre eux par manque de soins et à cause des conditions inhumaines de détention déplorées par les organisations de défense des droits de l'homme.Qu'importe, les Occidentaux ne vont pas en faire tout un plat. L'important est que Al Sissi ait hérité de la casquette de gendarme régional que Hosni Moubarak lui a léguée après un quart de siècle.