Il va sans dire que ces tonnes de pesticides finissent dans les écosystèmes (sols, infiltrations des agents non biodégradables dans les nappes, végétaux, animaux et humains en définitive). "De par leur nature, les pesticides présentent des propriétés nocives à la santé humaine et à l'environnement. Par ailleurs, Alphyt a développé des procédures d'utilisations des pesticides sans danger pour l'homme, les animaux ou l'environnement (fiches techniques et consignes de sécurité ). Un suivi rigoureux des rejets industriels en gaz ou en résidus est effectué périodiquement pour mesurer le degré de pollution. Il ressort que les résultats obtenus nous confortent car ils sont en-dessous des normes internationales requises. En plus de cela des mesures préventives sont prises pour limiter au maximum toute pollution de l'environnement". Cette notice insérée dans le site internet de la filiale d'Asmidal, Alphyt laisse pantois. L'entreprise publique aurait donc sous son contrôle l'usage des herbicides et pesticides qu'elle produit pour en particulier l'agriculture. À vrai dire en dehors des notices d'utilisation et des consignes générales de sécurité, elle n'est pas dans son rôle car cela nécessiterait d'autres pouvoirs (réglementaires) et une armée de contrôleurs. Un état des lieux alarmant Le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche exerce les misions phytosanitaires nationales par le biais de la direction de la protection des végétaux. On lit dans le bulletin n°41 (janvier 2016) de l'Institut national de protection des végétaux (INPV) : "Depuis sa création (INPV), assure la mission de veille phytosanitaire des cultures, en vulgarisant l'utilisation raisonnable des produits phyto- pharmaceutiques. Néanmoins, vu le risque de nocivité des pesticides envers l'homme et l'environnement et leur cherté sur le marché national, l'INPV a dû axer sa réflexion vers le développement d'autres moyens de lutte non polluants, moins coûteux et mieux adaptés aux exigences du marché national et international...". La revue cite entre autres "l'expérience réussie de l'INPV dans la pratique du concept de la vulgarisation participative. Ce concept proposé par la FAO dans le cadre d'un projet de coopération, valorise le savoir-faire des agriculteurs et utilise l'expérimentation comme moyen de conviction pour l'appropriation des techniques de gestion intégrée des bio agresseurs". Pour un cadre de cet institut, les importations massives des produits chimiques à usage agricole ont eu des résultats nocifs pour la santé humaine et l'économie nationale. Avec les importations tous azimuts, personne ne contrôle plus rien. Plusieurs entreprises se sont spécialisées dans l'importation de ces produits après la promulgation de la loi phytosanitaire en 1995, et près de 400 produits phytosanitaires sont homologués avec une quarantaine dont l'usage est très répandu chez les agriculteurs. Des quantités astronomiques ont d'autre part été déversées dans les Hauts-Plateaux contre l'invasion acridienne (2005 en particulier) et dans le cadre du Programme national de lutte contre les zoonoses (la leishmaniose est présente dans la plupart des wilayate). Il va sans dire que ces tonnes de pesticides finissent dans les écosystèmes (sols, infiltrations des agents non biodégradables dans les nappes, végétaux, animaux et humains en définitive). Le Cadastre national des déchets dangereux qui n'a pas pu être conduit à son terme, récense 2 300 tonnes de pesticides périmés répartis sur 500 sites ; c'est la propriété quasi exclusive des entreprises nationales du secteur dans Asmidal (Alphyt). Il ne suffit pas de promulguer des règlements généraux Plusieurs études de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) mettent en garde contre l'utilisation excessive de ces produits. L'agence du cancer de l'Organisation mondiale de la santé (IARC) vient de classer, le 20 mars dernier, cinq pesticides comme cancérogènes pour l'homme. L'herbicide glyphosate est l'un des plus utilisés dans le monde, et plus de 30% de la totalité des pulvérisations d'herbicides dans le monde sont à base de glyphosate et les insecticides malathion et diazinon entrent ainsi dans cette catégorie. Le glyphosate est largement utilisé en Algérie où les cultures de légumes et maraîchères sont de grandes consommatrices du glyphosate. Des produits cancérigènes ont été interdits ailleurs et continuent d'être vendus en Algérie, en toute légalité. Dans un reportage sur la région agricole de Chlef (Liberté, 14-12-2014- Cheliff : alerte aux pesticides cancérigènes), un cadre de la direction de l'agriculture de la wilaya d'Aïn Defla témoigne : "Il n'y a pas assez de vulgarisation au profit des agriculteurs. À mon niveau, j'essaye de leur expliquer et je les mets en garde contre les dangers encourus. Mais eux ont d'autres calculs et d'autres reflexes. Certains exigent des produits coloriés, pour s'assurer que l'ouvrier fait effectivement le travail pour lequel il a été payé. D'autres exigent un produit qui a une forte odeur, pensant que plus il est odorant, plus il est efficace, alors qu'ils refusent les produits incolores, inodores, pourtant non toxiques, mais qui, à leurs yeux, ne sont pas efficaces. Pour les dosages, j'ai beau leur expliquer qu'il faudrait respecter un certain seuil, mais rien n'y fait, ils persistent à augmenter les doses, pensant que c'est là le meilleur moyen pour avoir les meilleurs résultats. Pour ce qui est de la salade, par exemple, ils savent que la durée du traitement doit être comprise entre 14 et 21 jours. Mais dès qu'ils mettent le produit et une fois que le marché est demandeur, ils procèdent à son arrachage, avec tous les risques que cela suppose". On est presque tenté de n'ajouter aucun commentaire. La domination de l'informel en amont et en aval du secteur ne laisse aucune marge à un contrôle. Prétendre le contraire, c'est participer objectivement à ce que les choses ne changent pas. R. S.