Pendant que le mouvement syndical international innove pour anticiper sur les conditions de travail en liaison avec la problématique la plus préoccupante du début de ce siècle, le réchauffement climatique tout comme la réintroduction dans les circuits formels de l'activité économique des pays africains et asiatiques, l'UGTA s'enlise et fait la fête avec l'argent publicpublicpublic. C'est connu, les fortes chaleurs ne sont pas de nature à encourager le labeur. Une étude (Climate Change and Labour : Impacts of Heat in the Workplace) conjointement menée par l'Organisation internationale du travail (OIT), le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Climate Vulnerable Forum (pays très vulnérables au changement du climat), rendue publique le 28 du mois d'avril dernier, à la veille de la Journée internationale du travail, indique que la perte de la productivité à cause des fortes chaleurs attendues d'ici 2030 pourrait coûter 2 000 milliards de dollars par an. Parmi les pays les plus vulnérables comme le Cambodge, elle pourrait atteindre 20%. Il n'y a pas de temps à perdre Les travailleurs dans les pays en développement sont déjà confrontés à des conditions de travail qui se détériorent en raison de la hausse des températures. Ce sont généralement eux qui subissent ces changements ; c'est donc une nouvelle couche de vulnérabilité qui vient compliquer des situations déjà précaires. Migrations, accidents, maladies, temps de travail réel en diminution et baisse des rendements du moment que lorsqu'il fait trop chaud "les gens travaillent moins efficacement à l'extérieur, dans les usines, au bureau ou en déplacement en raison de la diminution de leurs capacités physiques et mentales". Un milliard de travailleurs, soit un tiers des travailleurs dans le monde, vont être particulièrement touchés, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. "Les travailleurs qui sont exposés à une chaleur extrême ont besoin d'avoir accès à un espace frais, de l'ombre, de l'eau, des vêtements de protection et de suffisamment de temps pour les pauses. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui font un travail physique, par exemple dans les champs, les mines et les usines. Imaginez que vous travaillez dans une usine de chaussures au Vietnam ou de vêtements au Bangladesh quand il fait 35°C. Les gouvernements et les employeurs doivent prendre cette question au sérieux et développer des réponses politiques efficaces et des mesures concrètes pour protéger les travailleurs", s'inquiète Philip Jennings, le secrétaire général de la Fédération syndicale internationale des secteurs de services. Lors de la présentation des résultats de cette étude au siège de l'OIT à Genève, les présents ont mis l'accent sur l'existence de solutions pour prendre en charge de tels problèmes. Il est notamment souligné que les cadres idoines pourraient être la mise en œuvre des ODD (Objectifs de développement durable) et tout au long des négociations techniques de l'accord politique adopté lors de la CoP21 à Paris qui se dérouleront à partir de ce mois de mai à Berlin en Allemagne, jusqu'à la tenue de la CoP22 à Marrakech au Maroc en novembre prochain. Un document sur des normes internationales de travail pertinentes pour ces nouvelles contraintes sera élaboré par l'OIT pour être transmis dans ce sens aux organes de l'ONU. Il s'agira de "réguler le marché du travail et de définir des règles pour les défis auxquels sont confrontés les gouvernements, les travailleurs et les employeurs en ce qui concerne les lieux de travail et de l'emploi touchés par le changement climatique pour permettre une concurrence loyale entre les nations, ainsi que de meilleures conditions sociales". Des indicateurs alarmants Depuis 1992, quand les gouvernements se sont réunis à Rio, au Brésil, pour affirmer le lien essentiel entre la justice sociale, la protection de l'environnement et la promotion de la sécurité économique, l'objectif était la réussite de la transition vers la durabilité. Depuis, les espoirs se sont largement amincis. Le creusement effroyable des inégalités, la course effrénée à l'extraction de ressources naturelles qui flirtent avec l'épuisement et l'emballement récurrent d'un système financier et économique mondial sans pilote visible ne sont pas de nature à donner du tonus pour les plus optimistes. En d'autres termes, des indicateurs fiables soulignent que l'inégalité des revenus a crû dans ces vingt dernières années et les travailleurs ont une part décroissante du PIB (produit intérieur brut) mondial pour gagner leur vie (Torres, 2009; BIT, 2008) et "les stratégies à long terme pour le progrès social et la durabilité ont été sapées par la fixation des entreprises sur les bénéfices à court terme pour les actionnaires" (OIT, ilo.org). Les syndicats à la pointe Dans le monde, les syndicats sont devenus actifs sur la question de l'environnement et du changement climatique particulièrement. La jonction dans l'action avec les mouvements écologistes sur la question des émissions des gaz à effet de serre (GES), de l'usage du nucléaire, des transports propres ou de la promotion des énergies renouvelables est d'une grande visibilité. On doit à l'action syndicale la popularisation du concept de l'économie verte et d'une transition juste. Le but est que les questions sociales soient partie intégrante du processus de prise de décision économique et que "les coûts de la transition économique devront être socialisés autant que possible et que la gestion de l'économie nécessite un dialogue social authentique entre les partenaires sociaux". Algérie, le décrochage Chez nous, la faiblesse de la représentation syndicale à la fois à cause de la caporalisation de l'UGTA et la répression des syndicats autonomes coupent le pays de ces enjeux planétaires. Pendant que le mouvement syndical international innove pour anticiper sur les conditions de travail en liaison avec la problématique la plus préoccupante du début de ce siècle, le réchauffement climatique ou la réintroduction dans les circuits formels de l'activité économique des pays africains et asiatiques, l'UGTA s'enlise et fait la fête avec l'argent public. Le prix à payer n'en sera que plus lourd. Le 5 février 2015, en pleine mobilisation des populations du Sud contre l'exploitation du gaz de schiste, la centrale syndicale historique écrivait par l'intermédiaire de la Fédération des pétroliers dans un communiqué : "S'il serait exploité (le gaz de schiste), il apporterait certainement des solutions durables aux différentes attentes et ouvrirait d'autres horizons dont les seuls et uniques bénéficiaires seraient l'Algérie, son peuple et les générations futures." Ajoutant : "Il s'agit, avant tout, d'un important projet national validé par les hautes autorités, notamment le gouvernement et le Parlement (!?)" avant d'affirmer que le projet est porteur "d'un lendemain encore meilleur et d'une réelle et solide opportunité pour s'inscrire dans un véritable développement durable". Le 24 février 2015, à l'occasion du double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, le secrétaire général de l'UGTA enfonçait le clou en menaçant les opposants à l'exploitation du gaz de schiste par "des lignes rouges à ne pas franchir". Ce premier mai 2016, Sidi Saïd et son staff ont préféré redoubler d'invectives contre la France et le Maroc. R. S.