En attendant le verdict du tribunal administratif de Bir-Mourad-Raïs sur le rachat du groupe de presse El Khabar par Ness-Prod, une filiale de Cevital, prévu pour le 11 mai, le site électronique TSA a sollicité l'avis des Mes Farouk Ksentini, président de la Commission consultative pour la protection des droits de l'Homme, et Me Tayeb Belarif. Ils ont été interrogés sur certaines questions, somme toute, logiques sur lesquelles le fameux article 25 de la loi sur l'information, brandi par le ministre de la Communication pour essayer d'annuler cette cession d'actions, ne donne aucune précision. L'article 25 stipule en effet : "Une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu'une seule publication périodique d'information générale de même périodicité éditée en Algérie." En termes plus clairs, une société (personne morale) qui détient un titre de presse ne peut acquérir un deuxième sauf si les deux publications n'ont pas la même périodicité. Cette même société ne peut avoir donc deux quotidiens ou deux hebdomadaires afin d'éviter, dit-on, les situations de monopole. Dans le cas d'El Khabar, Ness-Prod, qui a racheté plus de 95% des actions du groupe de presse, ne possède aucun titre. Il se trouve, cependant, que Ness-Prod est une filiale de Cevital appartenant à l'homme d'affaires, Issad Rebrab, qui est également l'actionnaire majoritaire de la Société algérienne d'édition et de communication (Saec), éditrice du quotidien francophone Liberté. L'interdiction concerne donc, selon l'article 25, exclusivement toute personne morale. Mais, une personne physique peut-elle créer autant de sociétés et acquérir à la fois plusieurs titres de presse qu'elle veut ?, s'interroge TSA. "En droit, il y a un principe. Les textes juridiques sont toujours d'interprétation restrictive. Il ne faut pas faire dire à un texte ce qu'il ne dit pas. Si le texte cite expressément les personnes morales en excluant les personnes physiques, donc ce qui est interdit à la personne morale est susceptible d'être autorisé à une personne physique. C'est une lecture loyale et saine du texte. Il ne faut pas tricher avec la loi", souligne Me Farouk Ksentini, un avis qui bat en brèche les arguments avancés par Hamid Grine, pour tenter de capoter l'acte de rachat. Une personne physique peut-elle créer ainsi deux ou trois sociétés et acquérir autant de titres de presse ? "Sous réserve de ne pas enfreindre l'interdiction de concentration des titres et organes sous l'influence financière, politique ou idéologique d'un même propriétaire, citée dans l'article 40 sur les missions de l'Autorité de régulation de la presse écrite", répond, pour sa part, Me Tayeb Belarif. Et d'ajouter : "Mais à partir de quel moment peut-on parler de concentration d'organes de presse entre les mains d'un seul propriétaire ?" "Il doit y avoir au moins une cinquantaine de titres en Algérie. 3 ou 5% est-ce un taux de concentration. Il me semble évident que non. Cevital, par exemple, peut avoir trois ou quatre filiales ou sociétés d'édition différentes qui peuvent être éditrices d'organes de presse, ce n'est pas la même personne morale", explique-t-il. Concernant l'application de l'article 17, avec l'absence d'une Autorité de régulation de la presse écrite, "la délivrance d'agrément est de la compétence exclusive de l'Autorité de régulation et non pas du ministre de la Communication, ni d'aucun autre membre du gouvernement, la loi ne prévoit absolument pas de cas de substitution", explique cet avocat. "Je pense que la justice qui est saisie de ce problème devra, à mon avis, se montrer à la hauteur et interpréter les choses de manière raisonnable et équitable", conclut Me Ksentini. B. K.