Alors que le moment est grave, les hommes du régime continuent de défier la justice en la mettant à rude épreuve. Sur un plateau de la chaîne Ennahar TV, loin des sentiers de la justice d'une République qu'il se dit prêt à servir, l'ex-ministre de l'Energie en appelle au verdict de ses 27 000 amis, sur sa page facebook, pour clamer son innocence. Après l'accueil dans certaines zaouïas du pays ; Chakib Khelil brandit la liste de ses nouveaux amis sur facebook comme preuve de son innocence et de sa bonne conduite lors de son passage au gouvernement. Quand on a 27 000 amis sur facebook, c'est qu'on est innocent, laissait entendre avant-hier Chakib Khelil. Sur le plateau d'Ennahar TV, l'ex-ministre de l'Energie n'a pas cessé d'avancer le chiffre des 27 000 amis qu'il compte sur facebook en guise de preuve de son innocence dans le cadre des scandales liés à Sonatrach I et II. Les raccourcis de Chakib Khelil sont simples à trouver mais, en les empruntant, il met, encore une fois, à rude épreuve aussi bien la justice algérienne que l'intelligence des Algériens. Si, jusqu'à preuve du contraire, Chakib Khelil est innocent, c'est à la seule justice et à ses professionnels de réhabiliter tout homme politique cité dans des affaires de "crime organisé" et dont la gestion est sujette à des doutes. Outre la menace sur la cohésion d'un tissu social déjà fragile, c'est un nouveau coup dur qu'assènent Chakib Khelil et tous ceux qui l'encouragent dans son jeu à la justice et à l'Etat de droit. À ce rythme, il ne faut pas s'offusquer si demain, la veille ou le lendemain d'un passage devant une des juridictions du pays, des accusés ou même des victimes supposées recourent à un tribunal virtuel parallèle sur les réseaux sociaux pour statuer sur leurs différends avec comme "tribunal" les amis de la Toile ! Déjà, du temps de sa gestion du secteur de l'énergie, le monde des affaires en Algérie avait reçu de sales coups au risque de traîner dans la boue l'image du pays. Aujourd'hui, bien qu'il soit innocent pénalement jusqu'à preuve du contraire, sa responsabilité morale et politique en tant que ministre est engagée dans toutes les affaires où des cas de corruption ont été prouvés. Autant qu'on peut comprendre que certains citoyens de l'intérieur du pays, sous le poids des traditions et à cause de la perte de confiance que crée le climat de déliquescence en vigueur, remettent au goût du jour les comités des sages et leurs tribunaux informels, autant la démarche de Chakib Khelil laisse perplexe. Quand c'est un ministre et pas de n'importe quel département, ancien salarié de la Banque mondiale de surcroît, qui recourt à une justice parallèle, même par le truchement d'un soi-disant suffrage des internautes, pour plaider sa cause dans des affaires enrôlées par la justice, cela laisse douter sur les capacités "politiques" de la personne et sur son honnêteté intellectuelle. Mourad Kezzar