Pour l'ancien émissaire des Nations unies, qui a sillonné la planète pour régler les différends dans de nombreux pays, les événements ayant secoué le monde arabe depuis 2011 sont loin d'être spontanés ni fortuits. Lakhdar Brahimi estime plutôt qu'ils sont le fruit d'un concours de circonstances permettant leur déroulement. Le diplomate algérien Lakhdar Brahimi a livré hier, lors d'une conférence-débat au Sénat, son analyse de ce que l'on appelle communément le "Printemps arabe". Ces événements ont secoué un certains nombre de pays arabes et dont la conséquence a été la chute de régimes que d'aucuns croyaient inébranlables, à l'image de celui de Hosni Moubarak en Egypte, de Zine al-Abidine Benali en Tunisie ou Mouammar Kadhafi en Libye. Résumant le dossier en dix points, l'ancien chef de la diplomatie algérienne, qui a commencé par s'interroger sur le pourquoi de ces événements, a vite fait de rappeler le contenu de l'entretien accordé par le président syrien Bachar al-Assad au Wall Street Journal en date du 30 juin 2011. Pour rappel, le chef de l'Etat syrien avait appelé ses pairs arabes à répondre aux doléances et aux attentes de leurs peuples respectifs s'ils voulaient éviter les insurrections. Apparemment personne n'a tenu compte de son avertissement, mais lui aussi s'est retrouvé face à une révolution à laquelle il continue toujours de résister. Selon l'orateur, Bachar al-Assad a mis six mois avant de recourir aux armes pour essayer de stopper les "insurgés" et les terroristes, qui ont profité de la situation pour le combattre, car bien préparés sur tous les plans pour cette opération. Lakhdar Brahimi mettra l'accent sur le fait que ce sont les plus amis du président syrien, à commencer par le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan et l'émir du Qatar, qui se sont retournés contre lui. Et pourtant, dira-t-il, tout allait pour le mieux entre Ankara et Damas, qui avaient aboli les visas et allégé les tarifs douaniers, et entre Damas et Doha. Sur les relations d'al-Assad avec l'émir du Qatar, l'ancien haut fonctionnaire onusien citera le cadeau consistant en une belle résidence dans la capitale qatarie, offerte par l'épouse du souverain du Qatar au président syrien pour illustrer leur excellente qualité. En bref, le président syrien a été victime de ses "fréquentations", et la conséquence a été la destruction quasi totale de la Syrie, dont la partition est toujours d'actualité. Quant au Yémen, l'ancien diplomate indiquera que la situation est similaire à celle de l'Afghanistan, où les tribus jouent un rôle très important en raison de leur facilité d'accéder aux armes. Il formulera l'espoir de voir les négociations inter-yéménites réussir. Il ne fait aucun doute que pour l'ex-envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, les événements du Printemps arabe sont les plus importants de ces dernières années dans lesquelles on retrouve des traces de révolutions, de complots et d'interventionnisme étrangers. Ils continueront, affirmera-t-il, à avoir des effets sur la région. Quant au rôle de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi estime qu'elle est passée à côté de son sujet en citant d'autres organisations, créées bien après elle, telle l'Asaen qui a obtenu des résultats extraordinaires en Asie, alors que le monde arabe est toujours divisé, malgré les liens forts de la langue et de la religion. Merzak Tigrine