Damant le pion à la Cour pénale internationale, dont les procès contre les personnalités du continent étaient contestés, la justice africaine à condamné, pour la première fois, un ancien chef d'Etat, le Tchadien Hissene Habré. Reconnu coupable de "crimes contre l'humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement", il a été condamné hier à la prison à perpétuité par le tribunal spécial africain, au terme d'un procès ouvert à Dakar depuis le 20 juillet 2015. Cette instance judiciaire continentale, plus connue sous l'appellation de Chambres africaines extraordinaires (CAE), et présidées par le juge Gberdao Gustave Kam, a reconnu l'ancien dictateur tchadien coupable de "crimes contre l'humanité, crimes autonomes de torture, viol, traitement inhumain, esclavage forcé, exécution sommaire, entre autres". Le juge a ajouté que Hissene Habré a été aussi reconnu coupable "des crimes autonomes de tortures" et "de crimes de guerre d'homicide volontaire, de torture, de traitement inhumain et détention illégale" ainsi que "des crimes de guerre de meurtre, de torture et de traitement cruel", conformément à certains articles du Statut portant création du tribunal. Il a cependant été acquitté "des crimes de guerre, détention illégale" visés dans d'autres articles du même document. Selon l'agence de presse sénégalaise APS, Hissene Habré, dont les biens ne seront pas confisqués, a un délai de 15 jours pour faire appel. L'ex-président du Tchad n'a cependant pas bénéficié de la clémence du tribunal, lequel en évoquant la responsabilité de l'accusé, a estimé qu'il avait une "connaissance intime et étendue des crimes" commis durant son règne. Il était "membre de cette entreprise criminelle", selon le verdict. Pis encore les Chambres africaines extraordinaires ont souligné que "les circonstances aggravantes l'emportent largement sur les circonstances atténuantes", lit-on encore sur le site de l'APS. Ainsi, Hissene Habré a été reconnu coupable d'avoir commis à quatre reprises des crimes de viol. Après l'énoncé du verdict, l'accusé, en turban et boubou blancs, lunettes noires, demeuré imperturbable depuis l'ouverture de l'audience, a levé les bras en saluant ses partisans et crié : "À bas la Françafrique !" À noter que ce procès, qui s'est ouvert le 20 juillet 2015 devant les CAE, un tribunal créé au sein des juridictions sénégalaises pour assurer le jugement de l'ancien chef d'Etat, a été marqué par le refus de Hissene Habré de répondre aux questions des juges et n'hésitant quelquefois pas à commettre des incidents d'audience. Toutefois, le tribunal spécial a auditionné des experts, des témoins et une personne citée à témoin par les avocats de la défense. Rappelons que l'ex-homme fort de N'Djamena a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, avant d'être écarté du pouvoir par une rébellion dirigée par l'actuel président tchadien Idriss Déby Itno. Il s'est réfugié au Sénégal où il a été arrêté le 30 juin 2013 à son domicile, à Dakar, après que la bataille judiciaire menée durant plusieurs années par des plaignants et leurs avocats ait abouti à son inculpation. Merzak Tigrine