La Syrie, qui exerce une influence sans partage au Liban, a réagi avec une célérité inhabituelle à l'attentat à l'explosif à Beyrouth qui a coûté la vie à l'ex-Premier ministre libanais Rafik Hariri. Le président syrien, Bachar Al-Assad, a immédiatement dénoncé avec fermeté “le terrible acte criminel qui a coûté la vie à des citoyens libanais, notamment à l'ex-Premier ministre Rafik Hariri”, dans un communiqué publié par l'agence officielle Sana. Il a assuré que “le gouvernement et le peuple syriens se placent aux côtés du Liban dans cette situation dangereuse”, avant d'adresser ses condoléances à la famille de Rafik Hariri. M. Assad “a demandé au peuple libanais de renforcer son unité nationale et de dénoncer ceux qui veulent jeter le trouble et semer la division” parmi les Libanais, a poursuivi Sana. Au même moment, le ministre des Affaires étrangères, Farouk Al-Chareh, a dénoncé, quasiment dans les mêmes termes, “ceux qui jettent le trouble au Liban”, appelant les Libanais à “refuser les troubles internes et les ingérences extérieures”, en référence, semble-t-il, à la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu. Celle-ci, adoptée en septembre 2004 à l'initiative de Washington et de Paris, demande implicitement à la Syrie de retirer ses troupes déployées au Liban depuis 1976 et la fin de l'ingérence de Damas dans les affaires libanaises. M. Chareh a fait ces déclarations à la presse en compagnie de son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos, en visite à Damas. Selon le ministre syrien, “les autorités libanaises mèneront une enquête pour déterminer la partie qui est derrière cet acte”. De son côté, le ministre de l'Information, Mahdi Dakhlallah, a qualifié l'attentat perpétré contre Hariri de “complot visant la stabilité du Liban et son unité”. Il a accusé “les ennemis du Liban” d'être derrière l'attentat qui intervient “au milieu d'importantes pressions sur le Liban et la Syrie, dont l'objectif est de réaliser les visées agressives d'Israël”. “Nous sommes tous inquiets dans la région. Seule une paix juste et durable réglera tous les problèmes”, a poursuivi M. Dakhlallah dans des déclarations à la télévision satellitaire qatariote Al-Jazira. L'attentat contre Hariri s'inscrit dans un paysage politique libanais perturbé par les fortes pressions exercées sur la Syrie et le régime libanais pro-syrien du président Emile Lahoud. Quasi quotidiennement, des personnalités de l'opposition libanaise réclament le retrait des 14 000 soldats syriens déployés au Liban et la fin de l'ingérence des services de renseignement syriens. Hariri, dont les relations avec Damas étaient qualifiées par la presse libanaise de peu chaleureuses, avait démissionné début octobre 2004 de son poste de chef du gouvernement. Il était alors passé dans l'opposition. La Syrie serait “la plus lésée” par l'attentat contre Hariri qui entretenait de solides relations avec l'Arabie Saoudite et l'Occident, notamment la France, a estimé un analyste arabe à Damas. Des opposants libanais anti-syriens ne manqueront pas d'enfoncer le clou en dénonçant le rôle de la Syrie qui n'est “pas en mesure” d'instaurer la sécurité et d'empêcher de tels attentats chez son petit voisin, a expliqué cet analyste, sous le couvert de l'anonymat. En octobre 2004, un député libanais de l'opposition, Marwan Hamadé, avait été grièvement blessé lors d'un attentat à la voiture piégée qui l'avait visé à Beyrouth.