Sollicité pour nous donner un éclairage sur les incidences de la refonte partielle du baccalauréat 2016, l'ancien enseignant et pédagogue, Ahmed Tessa, revient sur les raisons de cette décision, ses incidences sur le moral des élèves-candidats, en soulignant la nécessité d'une refonte globale de cet examen. Liberté : Le Premier ministre vient d'annoncer une session partielle de l'examen du baccalauréat. Pourquoi, à votre avis, a-t-on opté pour une refonte partielle des épreuves ? Ahmed Tessa : Nous ne sommes pas dans le cas de figure où l'ampleur des fuites est inconnue comme les fuites des années où facebook et la 3G n'existaient pas. Là, les sujets fuités ont été repérés. La seule parade est celle qui consiste à annuler l'impact de ces fuites ; et la mesure prise est conforme à cet objectif. Je tiens à vous rappeler que l'unanimité a été de mise entre le MEN et ses partenaires sociaux pour maintenir la crédibilité à cet examen (ou ce qui lui reste après des décennies de dérives pédagogiques). Cette mesure respecte le principe d'égalité des chances et coupe l'herbe sous le pied des fraudeurs. Je tiens à saluer l'honnêteté de ces candidats qui ont refusé les corrigés que leurs camarades leur ont donnés. Un geste qu'il nous faut méditer : une leçon de probité de la part de ces adolescents. Il ne s'agit pas de refaire tout le bac alors que tout s'est déroulé dans le calme, y compris lorsque certains médias ont "tartiné'' sur de fausses fuites. Des filières n'ont pas été touchées. Les candidats seront-ils à même, psychologiquement parlant, d'affronter cette nouvelle épreuve, alors qu'ils sont en phase de décompression ? Bien sûr qu'ils ne seront pas dans les mêmes conditions psychologiques. Mais n'oubliez pas que les milliers de candidats qui n'ont pas "triché'' en accédant aux sujets fuités demandent que justice soit faite. Ils sont les premiers à être bénéficiaires de cette mesure dite d'équité. Maintenant, il reste aux adultes, parents et enseignants, de les briefer, de les remotiver et surtout de leur faire sentir le challenge passionnant à relever pour dire aux auteurs de ces fuites : "Votre crime ne paiera pas." J'espère que les télévisions et les médias en général participeront à ce travail de sensibilisation en direction de ces candidats. Mais en psychologie, nous savons que l'être humain a des ressorts qu'il actionne en situation de défi. Et les adolescents ont cette capacité de mobilisation psychologique. À votre avis, l'organisation de cette session ne sera-t-elle pas à nouveau l'objet de fuites ? Ce serait faire le deuil de l'Algérie qui a vaincu de plus dangereux ennemis que ces criminels de la fuite. N'est-il pas temps aussi de réfléchir à une refonte du système d'examen de façon à empêcher la réédition de ce genre de scénario ? Tant que les examens existent sous cette forme d'examen/tombola ou examen/guillotine, le bac, le brevet et la sixième remontent au XIXe siècle français, la triche et la fraude ont encore de beaux jours devant elles. De la sorte, le ministère de l'Education, quel que soit le pays, se transforme en ministère de la surveillance et de la méfiance : tout l'opposé de la mission éducative qui lui est assignée. La solution existe, elle nous fera les économies de ces centaines de milliards de centimes dépensées annuellement depuis des décennies. Cette solution nous permettra d'avoir une année scolaire pleine jusqu'à 38 semaines de cours tel que préconisé par les standards internationaux. Cette solution supprimera l'angoisse, la pression, la dramatisation médiatique (une spécialité algérienne via certains médias) et les situations conflictuelles. Il s'agit du double principe de l'admissibilité délivré par le lycée (un certificat de fin d'études secondaires) et de l'admission prononcée par la faculté ou l'institut vers lequel l'élève de terminale veut s'orienter. Mais avec un concours ciblé et exigeant. C'est là le modèle anglo-saxon plus démocratique, plus efficace et plus souple que le modèle napoléonien. Mais là se pose la question de la responsabilité du ministère de l'Enseignement supérieur. Il est urgent qu'il engage une réforme profonde des modalités d'accès à l'université — pour les élèves des lycées mais aussi et surtout pour ceux de l'enseignement professionnel. Il y a urgence. Juste un mot pour dire que la Conférence nationale d'évaluation de la réforme organisée par le MEN en juillet 2015 a recommandé de revoir le système d'évaluation et des examens nationaux. À ma connaissance, dès le mois d'octobre, le MEN a mis sur pied un groupe de travail pour étudier ce dossier. Et ses conclusions seront présentées bientôt. Ces criminels de la fuite n'ont-ils pas agi pour saborder les recommandations de cette Conférence nationale ? En plus d'autres objectifs que toute la société a fini par connaître. Propos recueillis par : AMAR RAFA