À bien des égards, il s'agit d'un réaménagement qui obéit à un rapport de force au sein du sérail, mais en maintenant le statu quo. C'est la montagne qui accouche d'une souris. Maintes fois annoncé, le remaniement ministériel a eu lieu finalement hier mais sans comprendre de grandes surprises. Hormis la mise à l'écart d'Amar Ghoul, un ministre qui était en passe de battre le record de longévité au sein de l'Exécutif après l'ancien ministre de l'Education, Boubakar Benbouzid, qu'il est loisible d'interpréter comme un message politique, le remaniement, annoncé par un communiqué de la présidence de la République, et qui a touché quelques portefeuilles seulement, se révèle beaucoup plus technique. Tous les ministres au cœur des polémiques ces derniers mois, à savoir Abdeslam Bouchouareb, cité dans le scandale des Panam-Papers, Nouria Benghabrit, ébranlée par le scandale des fuites du bac ou encore et Hamid Grine, englué dans "l'affaire El Khabar", n'ont pas été touchés par ce remaniement. À bien des égards, il s'agit d'un réaménagement qui obéit à un rapport de forces au sein du sérail, mais en maintenant le statu quo. Tout se passe comme si on cherchait à "créer l'illusion d'un gouvernement en quête d'efficacité". Et dans ce jeu, le grand gagnant reste incontestablement le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, devenu un véritable oracle, lequel a été le premier à avoir annoncé en mars dernier "l'imminence d'un remaniement", et qui a réclamé publiquement, sur les ondes d'une radio publique, la tête de certains responsables. Après avoir réussi à avoir la tête du gouverneur de la Banque d'Algérie, Laksaci, limogé lors du dernier Conseil des ministres, Amar Saâdani se voit gratifié par la mise à l'écart du ministre de l'Agriculture, Sid-Ahmed Ferroukhi, dont la politique est qualifiée d'"archaïque proche de la révolution agraire". Il est remplacé à ce poste par l'ancien secrétaire général du ministère, un des proches de Saâdani, Abdeslam Chelghoum, actuellement membre du comité central du FLN, et dont le nom serait lié à l'affaire de la générale des concessions agricoles. Autres victoires de Saâdani : la mise à l'écart du ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, remplacé par Baba Ammi Hadji, jusque-là ministre délégué auprès du ministre des Finances, chargé du Budget et de la Prospective, et à qui il reproche notamment de n'être pas "assez souple" dans l'octroi des crédits aux "opérateurs privés", et le remplacement du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Tahar Khaoua, par Mme Ghania Eddalia, députée du FLN. Tahar Khaoua a eu l'outrecuidance de contredire le patron du FLN lorsque celui-ci avait annoncé l'imminence d'un remaniement. Une "incartade" à la limite d'un crime de lèse-majesté pour Amar Saadani, qui a eu finalement le dernier mot. Pour le reste du remaniement, le ministre de l'Energie, Salah Khebri, arrivé dans un contexte de crise des prix du pétrole, est remplacé par le P-DG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, tandis que Boudjemâa Talai, ingénieur de formation et proche du chef d'état-major de corps d'armée Gaïd Salah, et donc de Sâadani, jusque-là ministre des Transports, hérite désormais d'un portefeuille qui regroupe le ministère des Travaux publics et du Transport. Ancien ministre des ressources en eau, Abdelwahab Nouri remplace Amar Ghoul en qualité de ministre de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat alors que Ouali Abdelkader remplace Nouri Abdelwahab aux Ressources en eau. Un nouveau ministère est créé : il s'agit du ministère délégué auprès du ministre des Finances, chargé de l'Economie numérique et de la Modernisation des systèmes financiers confié à Mouatassem Boudiaf. Par ailleurs, le communiqué de la Présidence a annoncé la nomination de l'octogénaire, Boualem Bessaieh, ancien président du Conseil constitutionnel, comme ministre d'Etat, conseiller spécial du chef de l'Etat et son représentant personnel. Karim Kebir