Face au vide institutionnel, aux paralysies des organes de l'Etat et aux tentatives de fermer l'espace politique public, le régime joue l'illusionniste. Remaniement, rumeurs sur le retour de Ouyahia ou joutes au FLN, plus d'autres tours dans son sac à malice. L'enjeu est de faire oublier que quasiment personne ne gouverne et que seul l'agenda médical du Président donne le vrai tempo du pays. Les promus, les restants, les planqués et les sacrifiés : le remaniement attribué au président Abdelaziz Bouteflika ressemble plus à des tirs croisés qu'à un réaménagement de l'action gouvernementale. Action gouvernementale qui de toute manière ne se soumet à aucun contrôle, à aucune évaluation, à aucune sanction, à part les bruits et les rumeurs qui fuseraient de la résidence médicalisée de Zéralda, autre symbole de l'absence de gouvernance. Une toute première remarque est que le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, reste maintenu à son poste de vice-ministre de la Défense, cumulant le contrôle sur deux entités majeures du pouvoir, déséquilibrant les rapports de force au profit de la protection du Président. D'autre observations s'imposent, comme la liquidation de l'éphémère ministre de la Culture, Nadia Labidi, qui n'a bénéficié d'aucune solidarité gouvernementale face aux accusations de corruption lancées par Louisa Hanoune, signe d'un lâchage indélicat. Ou cette nomination surprise de Nouredine Bedoui, énarque remarquable, au très sensible poste de ministre de l'Intérieur. Une bonne surprise qui a de quoi désarçonner en ces temps de non-gouvernance. Ce qui amène à s'interroger sur le sort de Tayeb Belaïz, surpris par le remaniement en pleine séance plénière de l'APN : «conseiller spécial» du Président. Voie de garage royale ou tentative de garder encore très proche du cercle présidentiel l'ancien ministre de la Justice ? Amar Ghoul bouge vers des secteurs budgétivores, comme à son habitude, après les Travaux publics et les Transports. Tahar Khaoua, président du groupe parlementaire du FLN que Saadani ne contrôle qu'en partie, se verra renforcé par son rang de ministre des Relations avec le Parlement face au secrétaire général du vieux parti. L'arrivée de Tahar Hadjar, inamovible recteur de la fac d'Alger et apparatchik de carrière, au ministère de l'Enseignement supérieur n'augure pas de bons lendemains pour l'université. On remarque aussi que la stratégie de regrouper les ministères, pour plus d'efficacité et d'économie, n'a été appliquée qu'en partie, preuve que la gouvernance est toujours en panne. Ou absente. Pour rappel, le Conseil des ministres, comme l'a rappelé Ali Benflis hier, ne s'est pas réuni depuis près d'une année. Avec cet énième remaniement gouvernemental, Bouteflika pourra encore jouer la montre encore quelques mois, après avoir fait patienter beaucoup de monde avec cette révision de la Constitution qui n'arrive pas. Et bien après, il y aura toujours des spéculations de salon autour du congrès du FLN ou du retour de Ouyahia. C'est tout un mode de gouvernance qui arrive à épuisement, incapable de se projeter dans l'avenir, car tout est lié au maintien en poste des trois hommes clés du régime, le Président, le patron du DRS et celui de l'Armée. Un statu quo difficilement gérable sans dégâts collatéraux, alors que le pays est cerné par des défis sécuritaire et économique.