Quelques jours après la présentation par le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon de son rapport sur le Mali, c'était au tour de son envoyé spécial dans ce pays de tirer la sonnette d'alarme sur la gravité de la situation politique, mais surtout sécuritaire dans ce pays et le risque de contagion vers les autres pays du Sahel. Le patron de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), Mahatmat Saleh Annadif, a dressé un tableau presque sombre, lors de son discours dans la nuit de jeudi à hier devant les membres du Conseil de sécurité. "Depuis votre visite de mars dernier au Mali, l'évolution de la situation demeure malheureusement toujours préoccupante. Plusieurs facteurs justifient cette préoccupation", a déclaré d'emblée l'envoyé spécial de Ban Ki-moon au Mali. "Un an après la signature de l'Accord de paix, force est de constater que ni les signataires, ni encore moins la médiation internationale, ne sont satisfaits du rythme d'exécution de sa mise en œuvre", a-t-il regretté, ajoutant que "cette lenteur qui est difficilement compréhensible est en train de compromettre tout le processus, notamment la mise en place des patrouilles mixtes". Tout en se réjouissant du rôle joué par la Mission onusienne, M. Annadif a rappelé qu' "il est toutefois clair que c'est aux parties qu'incombe le devoir d'honorer leurs engagements. C'est à elles de faire de l'Accord de Paix et de Réconciliation une réalité". Le diplomate tchadien a regretté les récents blocages qu'a connus la mise en œuvre de l'Accord d'Alger, en raison du conflit autour de la mise en place des autorités intérimaires. "Alors que l'Accord est un tout, depuis un certain temps, le débat semble le réduire à la mise en place des administrations intérimaires qui malheureusement tardent à s'opérationnaliser", a-t-il indiqué. Faisant référence au dernier rapport trimestriel du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, le chef de la Minusma a rappelé lui aussi que "la situation sécuritaire s'est notablement dégradée ces dernières semaines". La dégradation de la situation sécuritaire a été provoquée, en partie, par les blocages politiques entre les parties signataires de l'Accord de paix, laissant la voie libre au redéploiement des groupes terroristes, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique et Ansar Eddine. "Comme j'ai souvent eu à le dire, il est difficile de se prêter à ce décompte macabre, et trop, c'est trop, c'est beaucoup trop. On ne peut continuer à accepter l'insupportable. Il est temps de s'engager dans une profonde introspection accompagnée par des mesures tangibles", a-t-il déclaré, expliquant qu' "il est indéniable que certaines pertes auraient pu être évitées si nos contingents étaient mieux formés, mieux équipés, particulièrement en véhicules blindés (APCS)". Selon M. Annadif, "la faiblesse de l'Etat dans le Nord et l'absence d'un contrôle effectif du terrain par les autres parties là où elles sont présentes ont cédé la place à une montée du terrorisme, du crime organisé, du banditisme et des tensions intercommunautaires". Et d'avertir encore sur l'expansion du champ d'action des terroristes en affirmant que "l'attaque sur un convoi de la Minusma aux environs de Mopti le 29 mai, Journée internationale des Casques bleus, illustre tragiquement que les menaces terroristes s'étendent de plus en plus vers le centre et le sud du pays. Cette tendance est porteuse de germes de contagion et ne doit pas être banalisée", a-t-il conclu. Lyès Menacer